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LA
PASSION DE JEANNE D’ARC

Voici Jeanne d’Arc sur les autels. Dans le cœur de tout Français digne de ce nom, déjà, son culte avait sa place : il était pratiqué naturellement. Mais ce dimanche de la Passion de l’an mil neuf cent dix-neuf, qui fut choisi pour en préparer l’annonce à l’univers, vient d’achever précieusement la consécration de sa mémoire. Une qualité suréminente, devant qui peuvent s’incliner tous les hommes, lui est attribuée désormais, réparatrice et symbolique. Un exemple d’humanité supérieure, en elle, est reconnu et déclaré, comme s’étant manifesté dans des conditions uniques au monde. C’est une Française qui en possède l’honneur. Saluons avec émotion le geste auguste qui lui offre cette parure exaltante.

Le dimanche de la Passion. Coïncidence expressive. Quelle journée, quel titre aurait pu mieux convenir pour affirmer la sainteté de Jeanne d’Arc ? Passion, calvaire, sacrifice. C’est la Trinité de sa vie. Sa passion débute avec l’appel initial qui l’accable. Son œuvre lui fait gravir un calvaire. Sa mort met seule un terme à son état constant de sacrifice.

Le premier coup de glaive, son cœur d’enfant le sentit passer en lui, ce jour d’été, vers l’heure de midi, dans le jardin de son père, quand la Lumière et la Voix la transpercent de leurs signes. Le dernier, le septième, à Compiègne, la met vivante au tombeau. Mais les autres, ceux qui l’ensanglantent sur la route, à chaque obstacle où elle se déchire, à chaque lutte qui l’épuisé, à chaque trahison qui la frappe, se doute-t-on de leurs blessures ? Peut-être ne connut-elle, à dire vrai, que deux