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Poperinghe, et à un certain nombre de villages parmi lesquels tous les Belges connaissent les riantes stations maritimes qui s’appellent Oostduinkerk, Coxide, la Panne, noms évocateurs de souvenirs de journées ensoleillées et heureuses au bord d’une mer souriante. Furnes, où le roi avait établi son quartier général, était devenue la capitale provisoire de la Belgique entière, comme Memel le fut de la Prusse aux jours sombres qui suivirent la bataille d’Iéna. Et comme alors la reine Louise, ainsi de nos jours, on vit la jeune reine des Belges, âme vaillante dans un corps frêle, s’associer aux épreuves et aux luttes de son époux, et communiquer à la nation entière sa confiance dans l’indéfectible avenir de la patrie.

Et lui, notre roi, comment parler de lui en termes dignes de son grand cœur et de sa superbe endurance ? La Belgique le connaissait à peine avant cette guerre qui l’a mis à sa vraie place, dans l’auréole des héros. Elle respectait en lui le gardien fidèle de sa constitution ; elle l’aimait pour la conscience avec laquelle il s’acquittait de son rôle de roi, pour les beaux exemples que sa vie publique et privée donnait à la nation. Mais sous ses dehors modestes et réservés, voire timides, qui aurait deviné le héros ? Elle sait maintenant ce que c’est à l’heure du danger qu’un roi. Elle l’a vu, infatigable, tranquille sous la pluie des balles descendre dans les tranchées, partager le pain noir des troupiers, les encourager par son exemple et par sa parole, apparaissant au milieu d’eux, dans sa froide et souriante intrépidité, comme un demi-dieu devant lequel ils tombaient à genoux, les yeux rouges de larmes, la gorge pleine d’acclamations délirantes, fous d’enthousiasme, de dévouement et d’orgueil patriotiques. De pareils souvenirs ne s’effacent pas de la mémoire d’un peuple, et la dynastie s’en apercevra. Le roi a cru ne travailler que pour la patrie ; il a, par surcroît, travaillé pour les siens, car il a jeté dans notre vieux sol les racines d’une popularité prodigieuse qui, pareille à un chêne superbe, ombragera pendant des générations tous ceux qui descendront de lui.

Non, la Belgique n’oubliera pas les jours de Furnes ; elle les comptera précieusement comme un avare compte ses trésors ; elle les inscrira au tableau d’honneur de ses annales, elle les redira avec orgueil aux générations à venir. Nous n’avons pas été témoins de cette épopée, nous qui, prisonniers de l’ennemi,