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question historique, et pareil jugement n’est pas nécessaire à son but. Même si on admettait le point de vue allemand, encore resterait-il toujours vrai de dire que l’Allemagne, de l’aveu du chancelier, pénétra sur le territoire belge avec la conscience d’en violer la neutralité et par conséquent de commettre une injustice. Cela suffit pour que cet acte doive être considéré comme directement compris dans les termes de l’allocution pontificale du 22 janvier 1915, qui réprouve toute injustice. » Roma locuta est.


V. — LA BELGIQUE INDÉPENDANTE

Le géant était aux portes ; la France et l’Angleterre étaient loin, surprises comme nous par l’agression criminelle. Nous allions devoir combattre un contre vingt.

Que faire ?

Il n’y eut pas un instant d’hésitation, pas plus dans le peuple que dans le gouvernement. Ils furent dignes l’un de l’autre ; et dignes, l’un et l’autre, de la majesté de l’heure. Le gant qui venait de lui être jeté, la Belgique le releva sans forfanterie et sans peur.

La prise de Liège ne décourage pas le peuple belge, comme l’ennemi s’y attendait. Repoussant avec un tranquille mépris ses offres insidieuses, il lui dispute pied à pied le sol de la Belgique dans une série d’engagements où la victoire fut du côté du vaincu. L’ennemi comptait, du moins, en s’emparant d’Anvers, notre réduit national, mettre la main sur notre roi, sur son gouvernement et sur son armée : toutes les forces de notre résistance transportées en Allemagne, c’était la fin de la Belgique.

Mais la Belgique n’était plus à Anvers ! Abandonnant la place devenue indéfendable, le roi Albert avait fait, à la tête de son armée, une retraite superbe que l’histoire enregistrera à l’égal d’une grande victoire. Franchissant en vingt-quatre heures 90 kilomètres, protégés par leur cavalerie et par des troupes de flanc chargées de ralentir la poursuite de l’ennemi, les Belges s’étaient retirés dans les marécages de la Flandre occidentale, et lorsque les Allemands s’aperçurent de la faute qu’ils avaient commise en ne prévoyant pas cette retraite, il était trop tard pour l’empêcher ; les vaincus les avaient gagnés de vitesse et