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général Ducarne écrit : « mon interlocuteur insista sur le fait que notre conversation était absolument confidentielle, » la traduction remplace le mot conversation par celui de convention et parvient ainsi à présenter un simple échange de vues entre deux officiers supérieurs comme un traité en règle entre leurs deux Etats.

Quant à contester aux généraux belges le droit de recevoir les ouvertures de généraux étrangers au sujet de certaines éventualités militaires qui les intéressent et d’en faire rapport à leur supérieur hiérarchique, la prétention est trop plaisante pour qu’on s’arrête à la discuter sérieusement.

Fait instructif, la révélation du « gouvernement allemand en Belgique » a été accueillie outre-Rhin par un immense soupir de soulagement. Jusque-là, la conscience de l’Allemagne n’était pas tranquille ; elle se rendait compte qu’elle avait à sa charge un attentat contre le droit des gens. Désormais, elle se voyait débarrassée de ces honorables scrupules. Il restait établi, à vrai dire, que la neutralité de la Belgique avait été violée, mais c’était… par la Belgique elle-même, et le gouvernement belge était seul responsable de toutes les souffrances que les Allemands avaient dû infliger, malgré eux, à ce malheureux pays. Les 93, dès lors, ne craignent pas d’écrire : « Il n’est pas vrai que nous avons commis un attentat criminel contre la neutralité belge. Il est établi que la France et l’Angleterre étaient décidées à la violer. Il est établi que la Belgique était d’accord avec elles. C’aurait été nous suicider que de ne pas prendre les devants. »

L’Allemagne, c’est convenu, est une « nation de penseurs. » Comment donc se fait-il que pas un de ces « penseurs » ne se soit avisé d’une réflexion qui vient d’emblée à l’esprit du premier homme venu en possession d’un peu de bon sens ? En quoi des chiffons de papier découverts en octobre peuvent-ils changer la nature de l’attentat perpétré le 3 août et avoué le lendemain par le chancelier allemand ? Ils prouveront tout au plus, dans l’hypothèse la moins défavorable à nos ennemis, qu’il y a eu deux coupables : l’Allemagne et la Belgique. Ils ne sauraient faire que la foi jurée n’ait été trahie par les Allemands.

Au Reichstag, le 8 décembre 1914, M. von Bethmann insinua qu’il avait connu dès le mois d’août 1914 des indices des