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Chiffon de papier ! Chiffon de papier ! Chiffon de papier ! Le bon général Prins le dit trois fois avec une visible volupté M. von Bethmann doit être content de lui.

En réalité, toutefois, on a fini par se rendre compte à Berlin que toutes ces apologies, — et j’en passe, — ne servaient qu’à aggraver le cas de l’Allemagne.

Leur grand défaut était de s’appuyer sur une base dont le caractère mensonger crevait les yeux. Loin d’avoir envahi la Belgique avant le 2 août, la France ne s’était pas même trouvée en mesure de venir au secours du peuple belge en temps utile, et seule notre énergique résistance à l’envahisseur allemand avait donné aux Français le temps de s’organiser pour faire face à une agression injuste et inattendue. Persister, dans ces conditions, à accuser la France, c’était s’exposer à se faire siffler par tout l’univers.

C’est alors qu’on s’est mis en quête de quelque chose de plus sérieux. Et comme, en travaillant séparément, les diplomates et les militaires n’étaient parvenus qu’à mettre au jour des légendes qui se détruisaient mutuellement, ils imaginèrent cette fois de combiner leurs facultés inventives, et de cette collaboration du sabre et de la plume est née une nouvelle version, — la quatrième, — qui représente le maximum de l’effort germanique pour rassurer la conscience nationale et pour former l’opinion du monde civilisé.

Abandonnant donc le thème jusqu’alors développé par l’Empereur et par ses ministres et qui consistait à accuser la France, on imagina de mettre en cause la perfide Albion, et de nous associer à son crime. La neutralité de notre pays avait été violée par la Belgique elle-même, d’accord avec l’Angleterre !…

En pillant les archives du département de la guerre belge, les Allemands mirent la main sur un rapport adressé au ministre, sous la date du 10 avril 1906, par le chef de J’état-major belge, général Ducarne, sur des entretiens qu’il avait eus avec rattaché militaire anglais, le lieutenant-colonel Barnardiston. Dans ces conversations, l’officier anglais avait entretenu son interlocuteur belge d’une intervention anglaise en Belgique qui pourrait se produire dans le cas où la neutralité belge serait violée par l’Allemagne. Les deux interlocuteurs discutaient, en techniciens, un thème stratégique ; la preuve que le général belge n’avait aucune mission pour recevoir les