régiments signant des protestations et criant qu’ils se voulaient battre, des bandes d’ouvriers et de bourgeois parcourant les rues avec des drapeaux, protestant aussi contre l’infamie, tandis que, sonnant le tocsin, la Mute appelait à l’aide, — dans le vide. Déjà Frédéric-Charles enserrait la cité. Bazaine faisait afficher, ce 20 octobre, la proclamation où il annonçait à l’armée du Rhin que tout était fini. Or, le 18 novembre 1918, je vis Mangin signer la proclamation qui restera célèbre : « Lorrains, mes chers compatriotes, enfin l’heure a sonné de la délivrance que vous attendiez depuis quarante-sept ans avec une fidélité qui a fait l’admiration du monde… La France dont vous avez été la rançon, ouvre largement ses bras à tous ses enfants retrouvés ; ceux qu’elle aime le mieux sont ceux qui ont le plus souffert. » Le soir, l’affiche était placardée sur les murs de Metz, couvrant celles de la Kommandantur impériale, comme elles du Conseil de la Révolution. L’ombre enveloppa, ce soir du 18, une ville où, — en attendant la visite de Pétain à la cathédrale, s’élevaient de mille foyers les Te Deum, les Magnificat et les Nunc dimittis, — tandis qu’autour des bronzes renversés se répétait le philosophique et narquois Sic transit gloria mundi.
« Jamais, écrivait l’auteur de Colette Baudoche, je ne passe le seuil de cette ville désaffectée sans qu’elle me ramène au sentiment de nos destinées interrompues. » Nos destinées françaises se renouaient de toutes parts magnifiquement, Metz allait voir entrer en ses vieux murs, — ce mardi 19 novembre 1918, — un maréchal de France. Fabert, maréchal de Richelieu, Ney, maréchal de Napoléon, recevraient l’hommage du maréchal Pétain, en attendant celui du maréchal Foch.
C’est grosse émotion pour un pèlerin du Metz de 1905, que d’apercevoir dans la brume bleue du matin, au centre du cirque des collines au sommet desquelles les forts, rendus par la capitulation allemande, sont en nos mains, la ville délivrée et le magnifique vaisseau de sa cathédrale sur lequel flotte notre drapeau. Alors « le pauvre Lélian, » cet étrange Verlaine, que j’ai jadis vu au Quartier Latin, me revient à l’esprit et son prophétique Metz :