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nous enleva, outre le pays de Sarrebruck, la place forte de Sarrelouis avec la plus grande partie de son canton (18 communes) ; le canton de Relling et 34 communes ; plus une commune du canton de Sierck et trois du canton de Bouzonville. » « C’était, a fait observer M. Vidal de la Blache, la perle de cette ligne de la Sarre qui, depuis Ryswick, avait été le but des efforts de notre diplomatie, la mise à néant d’une œuvre de près de deux siècles. »

Si donc nous demandons une partie du bassin de la Sarre, celle qui est notre voisine, nous ne la demandons pas seulement comme indemnité, comme réparation, en dédommagement du préjudice causé par la destruction, pour un certain nombre d’années, de nos mines du Nord et du Pas-de-Calais. A cet égard, ce nous serait peut-être une compensation de pouvoir exploiter à notre profit les houillères de ce bassin qui se trouvent être presque toutes des mines fiscales, propriétés de l’État prussien. Mais, sans compter que la faculté d’exploiter le fond sous une souveraineté territoriale qui ne nous appartiendrait pas, et avec une main-d’œuvre étrangère, nous exposerait à de fréquents et périlleux conflits, il s’en faut que, sur la Sarre, tout se réduise pour nous à une affaire de charbon. Il s’agit tout autant de notre sécurité. Il s’agit de boucher quelques-uns des trous que les profonds calculs de la Prusse avaient creusés tout le long de nos frontières du Nord-Est, depuis le Rhin jusqu’aux sources de l’Oise. Le coup, qui ménageait, dans notre flanc, ces portes à la perpétuelle invasion, ne nous a pas atteints tout seuls, ne nous a pas laissés tout seuls découverts. La diplomatie britannique a eu les leçons d’un siècle entier, dont la dernière lui aura coûté assez cher, pour s’éclairer sur la faute commise contre l’Europe et contre elle-même « en adoptant, comme un chef-d’œuvre de politique, suivant un autre mot de Vidal de la Blache, l’idée de mettre la Prusse en contact avec la France sur la rive gauche du Rhin. » Il y a plus, et, la Manche passée, le danger peut franchir l’Océan. Les frontières Nord et Nord-Est de la France sont le rempart non seulement de la France et de la Grande-Bretagne, mais le boulevard avancé des États-Unis mêmes : dans « es pays douloureusement privilégiés sont les Marches de l’Occident, de tout l’Occident, si loin qu’on en recule les bornes vers l’Ouest.

Il n’y aura de paix durable que si l’organisation militaire allemande est rejetée sur la rive droite du Rhin, que si, cette organisation militaire, restreinte au minimum, l’Entente ou la Ligue des nations est à même de la surveiller, de la contrôler constamment ; si, pour la