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dépouiller. Ce traité, le traité de Paris du 30 mai 1814, posait, lui aussi, des principes ; il avait, lui aussi, un « esprit ; » il en affichait un, et c’était que « le royaume de France conserve l’intégrité de ses limites telles qu’elles existaient au 1er janvier 1792. » Il est vrai qu’à peine avait-il posé ce principe, tout aussitôt il y dérogeait, dès le paragraphe 5 de son article premier. « Avant le traité de paix de 1814, a écrit quelque part l’éminent historien de l’Alsace, M. Christian Pfister, l’arrondissement de Wissembourg se composait de 10 cantons et de 182 communes. Le canton de Dahn tout entier, moins un village, 23 communes au total lui furent enlevées par le traité de Paris. Restaient 9 cantons et 159 communes. Mais, du département voisin du Mont-Tonnerre, 9 communes demeurèrent à la France et furent rattachées au Bas-Rhin et à l’arrondissement de Wissembourg, qui garda ainsi 9 cantons et 168 communes. » L’Allemagne y gagnait tout le canton de Dahn ; « c’était un canton de forêts superbes et un important point stratégique ; avec la perte de ce canton, les communications étaient coupées entre Bitche et Landau. » Les Cent-Jours et la défaite définitive de Napoléon Ier coûtèrent à l’Alsace française tous les territoires conservés en 1814 entre la Lauter et la Queich, rivière que la frontière de 1814 dépassait même au Nord, par les deux villages de Nussdorf et de Dammheim. Ces deux communes étaient françaises comme Landau, dont elles dépendaient de 1648 à 1789. » En résumé : « La frontière de 1814 n’était pas conforme aux limites de la France de 1792 : le traité du 30 mai 1814 nous enlevait le canton de Dahn qui, au XVIIIe siècle, par suite des conventions entre la France et le prince-évêque de Spire, faisait partie du royaume de France. La frontière du 30 novembre 1815 n’était pas conforme aux limites de la France de 1789 ou 1790, puisqn’à ce moment nous furent enlevés une série de territoires entre la Lauter et la Queich qui avaient reconnu, avant 1789, la souveraineté de la France, parmi lesquels la place de Landau elle-même, française depuis plus d’un siècle et où le sentiment français devait rester vivace encore pendant longtemps. »

De même en Lorraine, dans le bassin de la Sarre. L’article Ier du premier traité de Paris ne se contentait pas de dire que le royaume de France « conservait » intégralement ses limites de 1792 : il ajoutait que ce royaume « recevra en outre une augmentation de territoires comprise dans la ligne de démarcation fixée par l’article suivant. « Quoique les conventions du 30 mai 1814 nous aient laissé, rendu ou donné, le deuxième traité de Paris du 20 novembre 1815