reproches, et comme à ce défi de la poésie, il semble que In musique des Noces de Figaro d’abord, ensuite celle du Barbier de Séville n’ait pas trop mal répondu. Ce n’est pas ralentir le mouvement que le soutenir et le prolonger. Ainsi fait quelquefois Mozart : dans le duo de la dictée, par exemple. Ailleurs encore. Lorsque la Suzanne de Beaumarchais sort seule du cabinet où le comte s’attendait à trouver le page, elle n’a pour son maître que ce peu de mots railleurs : « Je le tuerai ! Je le tuerai !... Tuez-le donc, ce méchant page ! » La Suzanne de Mozart est plus cruelle ; ou du moins elle l’est avec plus de complaisance. C’est une longue, longue phrase qu’elle chante, une phrase impitoyable, où l’ironie se distille en notes piquées, s’étale en notes tenues, en cadences savoureuses et largement épanouies. Ainsi le sentiment s’accroît et s’avive par le progrès de la mélodie, et la musique, loin de rien délayer, comme Beaumarchais l’en accuse, redouble et renforcé tout.
En dépit de Beaumarchais toujours, il est certain que la musique a pour élément principal, — nous ne disons pas unique, — . le mouvement. Elle tire du mouvement des effets autrement variés et puissants que ne peut le faire la parole, fût-ce un Beaumarchais qui parle. D’abord elle se meut dans un plus vaste espace et littéralement sur une plus grande a échelle. » Elle monte plus haut, elle descend, ou tombe, plus bas. Surtout, — écoulez un Mozart, écoutez un Rossini — elle se meut infiniment plus vite. Les mots, sous peine de nous devenir inintelligibles, ne sauraient courir, voler comme les notes. Les vocalises, les traits appartiennent au domaine de In pure musique. Enfin, à la célérité des mouvements, la musique, et la musique seule, en peut adjoindre la simultanéité. Semblables ou contraires, elle les rassemble ou les oppose ; elle crée, à sa guise, ou leur conflit ou leur accord. « Je suis une force qui va, » dit un héros romantique, Hernani, je crois. Mais il allait sans savoir où. Chef-d’œuvre classique, chacun des deux finales des Noces, le premier surtout, est bien autre chose : succession d’abord, puis combinaison de forces, mais disciplinées et sages, qui vont, qui viennent, et qui, procédant les unes des autres, les unes par les autres se multipliant, concourent et convergent à l’infini. Tout cela sans un moment de relâche, encore moins de désordre, en pleine lumière, en pleine joie. Pour le coup, si vive que soit la pièce, c’est la musique ici qui « la pousse de l’épaule » et la précipite. Musique irrésistible et musique « innombrable, » tant elle est diverse, tout en demeurant une ; musique parlante, chantante, agissante à la fois. Il ne comprend pas moins de sept épisodes, ce premier, cet immense