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le dialogue parlé, celui-ci fût-il de Beaumarchais, le fil ou la trame sonore. Enfin et surtout, il forme un lien tonal, harmonique, entre les morceaux qui se suivent, dont il assure ainsi l’enchaînement.

Voilà, nous dira-t-on, bien des querelles. Et peut-être on nous répondra comme à ce fâcheux, qui se plaignait un jour du mauvais temps : « Mieux vaut encore ce temps-là que pas du tout. » Nous accorderons volontiers cette valeur relative à la reprise des Noces de Figaro. Mieux vaut, en effet, même ainsi, les entendre. Sans compter qu’il était nécessaire d’interrompre une regrettable, pour ne pas dire coupable prescription. Le moment paraît venu de revoir et de corriger, pour l’augmenter, et pour le réduire, le « répertoire » de nos deux « grands » théâtres de musique. Trop de noms, de titres y manquent, et quelques autres y sont de trop. Est-il admissible qu’à Paris on ne puisse guère ouïr que tous les quinze ou vingt ans ! — et encore ! et dans quelles conditions ! — Don Juan, les Noces de Figaro, la Flûte Enchantée, Fidelio, le Freischütz, Orphée, Alceste, les deux Iphigénies, Armide, Joseph, la Prise de Troie, les Troyens à Carthage, Falstaff... Tout cela sans parler, — ou plutôt parlons-en, — des innombrables chefs-d’œuvre de l’opéra-comique français, fragile et précieux trésor, dont ce brave petit théâtre du Trianon-Lyrique est seul à prendre au- jourd’hui la défense et le soin. Voilà pour les additions nécessaires à nos programmes parisiens. En récompense, que d’errata, que de ratures désirables ! Mainte fois, l’idée et la tentation nous vient d’établir ce compte en partie double. On y pourrait même ajouter l’analyse critique, sur deux colonnes aussi, des ouvrages qu’on chante mal et des chefs-d’œuvre qu’on ne chante pas.

Taine a dit, à peu près : L’idéal d’un artiste consiste « à manifester quelque caractère essentiel et saillant plus complètement et plus clairement que ne font les objets réels, en altérant systématiquement les rapports naturels de leurs parties, pour rendre ce caractère plus visible et plus dominateur. » L’idéal de Mozart nous paraît aussi contraire que possible à cette définition, parce que justement il consiste moins dans l’accentuation et la mise en saillie d’un caractère unique, que dans la conciliation de tous les caractères et dans leur harmonieux accord.

C’est bientôt fait d’appeler Mozart le musicien par excellence de la pure musique, ou de la musique en soi, ou de la musique absolue. Il n’est pas moins celui de la musique en quelque sorte appliquée, pur où nous entendons une musique liée, et liée étroitement, au sentiment, à l’action, à la parole. Certes, nous n’ignorons pas que Mozart a