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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra-Comique : Reprise des Noces de Figaro.
Cinquantième anniversaire de la mort de Berlioz.


On connaît l’avis qui fut affiché naguère dans un music-hall d’Amérique : « Prière de ne pas tirer sur le pianiste : il fait de son mieux. « Ainsi diront, à l’Opéra-Comique, les interprètes des Noces de Figaro. Soyons leur donc indulgents. Aussi bien, comment et pourquoi, grâce à quelles leçons, à quelles traditions, pourraient-ils faire davantage ? D’abord, voilà plus de vingt ans que les Noces de Figaro n’avaient pas été représentées. Et puis, décidément, il y a peut-être non pas même « au ciel et sur la terre, » mais dans la musique de Mozart, plus de choses que dans l’esprit et dans l’âme de la plupart des chanteurs, y compris les cantatrices de notre temps. La première de ces choses, c’est tout simplement le chant. « Chanter pour parler, et chanter pour chanter : » Grétry distinguait déjà les deux méthodes. Si la première n’est plus très commune, la seconde paraît à peu près oubliée.

Chanter, c’est d’abord poser une note, ou la prendre, ou l’attaquer, c’est ensuite la tenir, ou la soutenir. Et puis, c’est la lier avec la note suivante, sans que toutes les deux se heurtent ou se confondent C’est encore conduire et comme « filer » cette ligne de sons qu’est une phrase, une mélodie. Il ne faut ici ni saccades, ni secousses. Mais il y faut l’observation du mouvement, du rythme, de la mesure et le respect des « valeurs. » Les « passages » de tel à tel registre, de telle à telle sonorité, ne sauraient non plus être négligés, brusqués moins encore. Autant qu’à moduler, chanter consiste en quelque sorte à modeler. Comme les formes visibles, les formes sonores, vocales même, ont leur clair-obscur. Un peu d’ombre parfois leur est nécessaire, et l’ombre, pour la musique, c’est, entre deux phrases, entre deux notes, un « temps » pris à propos, un silence. Mozart, le