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décupler notre exportation, de manière à nous mettre à même de solder nos dettes étrangères en nature, en produits français, l’or ne pouvant guère servir que d’appoint dans des paiements internationaux de cette importance. L’afflux à prévoir des visiteurs étrangers en France après la paix nous aidera sans doute à nous libérer peu à peu de lourdes obligations dont au reste nos créanciers, principalement l’Angleterre et les États-Unis, sont, nous n’en doutons pas, très disposés à nous faciliter le règlement.

La majeure partie de notre dette est, en revanche, une dette « intérieure, » c’est affaire entre Français. Point de sorties d’or ou de valeurs : l’intérêt, prélevé sur le pays par l’impôt, retourne au pays ; ce ne sont pas des milliards « jetés à la mer » que ceux qui rentrent dans le fonds commun de la nation. Il n’y a plus ici perte économique, destruction de richesse, il ne s’agit que de répartition de valeurs. Cette répartition engendrera sans doute de graves difficultés fiscales et sociales : ménager d’une part les moyens de la classe la plus nombreuse, et de l’autre les forces productives du pays, son pouvoir d’épargne, quel problème à résoudre ! Mais à considérer l’économie nationale dans son ensemble, et la masse des citoyens comme une même unité économique, un « doit » qui est en même temps un « avoir » n’est pas a priori, dans un pays sain et ordonné, une cause fatale d’écrasement.

D’ailleurs, cette dette intérieure est une dette en argent, en valeur, donc soumise aux fluctuations des valeurs et du taux de l’intérêt : avons-nous, de ce chef, à espérer, comme on le dit parfois, quelque allégement à nos charges ?

Le taux de l’intérêt ne restera sans doute pas dans l’avenir ce qu’il est actuellement. S’il a beaucoup monté depuis quatre ans, du fait des besoins de la guerre, si l’après-guerre même, absorbant beaucoup de disponibilités, risque de le maintenir d’abord assez haut, il est à croire que, la période de reconstruction passée, l’épargne grandissant, — si on le lui permet,— et la demande de capitaux diminuant, nos enfants et petits-enfants verront se reproduire le mouvement qui, au cours du XIXe siècle, a abaissé de 5 à 3 le loyer de l’argent. C’est alors que s’ouvrira la voie aux conversions des emprunts publics, avec le notable soulagement qu’elles apportent aux budgets. Mais nos budgets français n’en profiteront pas autant qu’il