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que l’inflation monétaire pouvait être pour un tiers environ dans le renchérissement des denrées. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas de sitôt qu’on arrivera chez nous à remettre l’ordre dans la circulation fiduciaire. Pour l’instant, les billets sortent encore de la Banque de France bien plus vite qu’ils n’y rentrent ; les maux et les dangers de l’inflation ne font que s’accroitre, et il serait grand temps d’y remédier, si l’on veut protéger le crédit du billet de banque. En mettant tout au mieux, il est à croire que le renchérissement, s’il doit disparaître ou plutôt s’atténuer largement dans l’avenir, ne diminuera que lentement.

Préparons-nous donc à vivre avec lui encore un temps : un temps qui sera critique pour le plus grand nombre, critique au premier chef pour les démobilisés du front ou de l’usine. Quant à nos finances publiques, elles souffrent et profitent à la fois des hauts prix. S’ils alourdissent les charges des budgets, ils aident en même temps les budgets à porter ces charges. Acheteur de produits et services, l’État paie tout plus cher ; collecteur d’impôts, c’est-à-dire vendeur de produits et services, il fait meilleure recette. Dans l’augmentation des dépenses publiques, le renchérissement tient une large, une trop, large place, qui pourrait et devrait être réduite par des économies compensatrices. En revanche, le rendement de l’impôt s’accroît du fait même du renchérissement. S’il était perçu en nature, comme naguère en Chine, il ne varierait de produit que selon le revenu réel du pays ; perçu en argent, comme il l’est partout aujourd’hui, son apport tend à suivre le mouvement général des valeurs. Tel un profiteur de guerre, le fisc bénéficie de la hausse des prix, soit qu’il vende plus cher sa marchandise, le tabac par exemple, soit qu’il réalise des plus-values plus ou moins importantes sur les impôts ad valorem, douane, bénéfices de guerre, taxes sur le revenu, enregistrement et timbre. Si donc le renchérissement accroît les dépenses budgétaires, il accroît en revanche les recettes du Trésor.

Et aussi le revenu national, c’est-à-dire l’ensemble des produits créés et des services faits en France, ou dus par l’étranger à la France, en évaluation monétaire : la valeur de la monnaie ayant baissé, le revenu national voit la sienne haussée en proportion. La guerre l’a diminué en réalité, in re, et la hausse des prix l’augmente en valeur, in specie. — Mais c’est fictif, dira-t-on, et voici que nous retombons dans l’illusion de