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guerres de ce monde : nous voulons parier de l’Angleterre dans sa lutte contre la Révolution et l’Empire.


I

La situation financière de la Grande-Bretagne, à la veille des guerres de 1792-1815, n’était pas brillante. Elle venait d’être fort compromise par les huit années de la guerre de l’Indépendance américaine. Hume, le plus sagace des observateurs de l’époque, disait en ce temps-là que le poids de la dette menaçait l’existence même de la nation. En 1784, William Pitt, en arrivant au pouvoir, avait trouvé, selon Lecky, les finances « dans un état de dépression déplorable et désastreux, » et si le grand ministre, nourri de la saine doctrine d’Adam Smith, réussit à améliorer les choses et à remettre de l’ordre dans le désordre, les charges financières n’en continuèrent pas moins à peser très lourdement sur le pays. De 1783, date du traité de Paris, à 1791, l’impôt s’était même accru d’un tiers, passant de 12 millions et demi de livres sterling à 16 millions et demi, en pleine paix. De 1775 à 1792, le budget avait doublé de chiffre. Et de même la dette publique, dont le capital s’élevait en 1793 à 239 millions sterling, chiffre énorme pour l’époque, et qui représentait environ 16 pour 100 de ce qui devait être alors le capital national de la Grande-Bretagne ; si l’on sait, pour prendre un terme de comparaison, que notre dette française de 1913, fort considérable au dire unanime, ne dépassait pas 11 pour 100 (lu capital de li France, on conviendra que l’Angleterre était fort chargée de dette, aussi bien que d’impôts, au moment d’engager contre la France une guerre qui devait durer vingt-trois ans.

La conduite financière n’en fut pas heureuse, au début du moins, car, pendant six ans, Pitt ne sut qu’emprunter, à des conditions très onéreuses, et demander des avances à la Banque d’Angleterre, au prix de l’établissement du cours forcé et d’un accroissement énorme des billets en circulation. Ce n’est qu’à partir de 1798 que l’Angleterre se décida à augmenter ses impôts ; elle le fit d’ailleurs dès ce moment avec une énergie croissante jusqu’après Waterloo, donnant ainsi au monde un bel exemple, bien qu’un peu tardif, le courage fiscal et de rigueur financière. N’empêche que le crédit britannique était