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L’amoureux de Lesbie avec ses vignerons
Sous la rose invoquait Vénus et son sourire ;
Virgile, au pied du hêtre, inscrivait sur la cire
De grands vers que nous aimerons…

Mais voici qu’un autre âge a conduit sur ces grèves
L’âme de l’Italie et ses fils les plus chers,
Et depuis lors, devant les tours des Scaligers,
Elle nous convie à ses rêves.

Toi que le Capitole a ceint du laurier d’or.
Disciple retrouvé de Rome et de la Muse,
Toi qui vas oublier la lointaine Vaucluse
Où ton jeune luth vibre encor,

O Pétrarque ! je vois passer ton fier visage
Sur ce fond de montagne hérissé de donjons ;
Ta marche grave suit les bords que nous longeons,
Tes yeux goûtent ce paysage ;

C’est ici que tu veux, d’un rythme solennel,
Réveiller dans ses pleurs la Patrie offensée
Et l’obliger, docile à ta noble pensée,
A briser un joug éternel.

Tu l’invoques du fond de ton cœur : « Italie !
Mon Italie, où dort la cendre des héros,
Le Tudesque enragé foulera-t-il leurs os
Sans qu’un vengeur se lève et crie ?

« Ah ! puisse-t-il panser la blessure et l’affront
De ton beau corps meurtri de chaînes étrangères ! [1] »
Poète, la chanson que tu fis pour les pères,
Les fils un jour la chanteront ;

  1.  ::...Le piaghe mortali
    Che nel bel corpo tuo si spesse veggio...
    Natura... de l’Alpi schermo
    Pose fra noi e la tedesca rabbia.
    Pétrarque, Canx. Italia mia.