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Mémoires de Trévoux, que rédigeaient les Pères, prodiguaient à ces nouveautés de librairie leurs meilleures grâces d’accueil. « L’admiration du siècle, l’admiration des siècles futurs ; » c’est ainsi qu’en 1748 le Père Pichon qualifiait Fénelon dans son livre sur la Fréquente Communion. Le livre eut des mésaventures : les colères jansénistes amenèrent le Père à le retirer, et ce fut pour le grand Arnauld, cet avare dispensateur des grâces eucharistiques, un nouveau triomphe d’outre-tombe. Mais les Jésuites prirent leur revanche en réimprimant la lettre de Fénelon sur la communion fréquente : « son esprit, lisait-on dans l’Avertissement, est un des plus beaux et des plus solides que l’on ait jamais vus ; sa piété est admirable ; il fut la gloire de l’épiscopat dans le dernier siècle. » Les Pères auront beau faire, objectait dans les Nouvelles ecclésiastiques la vigilance janséniste : « Ils ne mettront jamais en réputation dans l’Église la théologie de Fénelon. » Etaient-ils autre chose, d’ailleurs, que des quiétistes déguisés ? Tout ce qui touchait aux Jésuites, fût-ce la Vie de Marie Alacoque de Languet de Gercy, apparaissait aux jansénistes comme entaché de quiétisme. Mais l’hostilité commune dont ils poursuivaient les Jésuites et feu M. de Cambrai ne pouvait avoir d’autre effet que d’enchaîner plus étroitement à la cause de l’archevêque le dévouement de la Compagnie.


II

Cependant que se propageaient, pour le bien des âmes et pour leur paix, les écrits de spiritualité fénelonienne, une retentissante Histoire de la vie de Fénelon, publiée en 1723, construisait une certaine image de M. de Cambrai. Messire André-Michel Ramsay, « chevalier-baron, ou plutôt banneret d’Ecosse, » en était l’auteur. Beaucoup pensaient, et lui tout le premier, qu’il était noble ; d’autres n’admettaient pas qu’un brave boulanger, son père, fût frustré de l’honneur d’un tel fils. Nature inquiète et inquiétante, fréquemment en voyage pour la recherche d’une certitude ou pour celle d’une situation, il s’en alla de croyance en croyance jusqu’à ce qu’en 1710 M. de Cambrai fit de lui un fidèle de l’Eglise romaine, et puis, quatre ans plus tard, un pèlerin de Mme Guyon. On vit Ramsay prendre le chemin de Blois, se ranger parmi les hôtes, catholiques