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vient de s’évanouir de peur. Pendant qu’il exhibait le papier de la Douma, un soldat l’a menacé de sa baïonnette, vociférant que nous cachions d’anciens policiers. A tout prix il faut prévenir Zaplatkine. Mais comment -lui téléphoner ? Déjà, des soldats circulent dans l’appartement : les téléphones sont gardés. Seul l’appareil de ma chambre est encore à noire disposition. J’appelle... Comme par un fait exprès, le numéro du commissariat n’est pas libre,.. J’entends la voix des soldats qui fouillent la maison, leurs pas qui se rapprochent. Les voilà dans la pièce voisine... Dieu soit loué ! J’ai enfin la communication !

Zaplatkine tient parole : au bout de quelques minutes, il arrive avec des miliciens. Il était temps : les soldats commençaient à briser la porte de la cave : d’ailleurs plusieurs d’entre eux étaient déjà ivres. Invités à présenter leur mandat, ils n’en purent rien faire, et pour cause. On les mena au poste où ils eurent à subir un interrogatoire. Ce n’étaient que de vulgaires malfaiteurs, déguisés en militaires, qui pillaient les maisons.

Pour aujourd’hui du moins, nous pouvons espérer un peu de tranquillité. Après le déjeuner, je m’apprête à sortir. A peine suis-je au pied de l’escalier, je me heurte à une nouvelle troupe de soldats, des vrais ceux-là, ce qui n’empêche pas que leur officier ne soit déjà dans les vignes du Seigneur. Ma mère les accompagne. Pour moi, je reste à la porte d’entrée avec un sergent du régiment de Préobrajensky qui monte la garde. Je lui explique en camarade l’inutilité de perquisitionner chez nous. Personnellement il n’y tient guère : cela dépend de ses compagnons.

Enfin ils redescendent et, déçus, se mettent à discuter entre eux. Recommencer leurs recherches ou les abandonner ? Ils hésitent.

— Sestriza, répondez-nous et nous vous croirons : avez-vous des armes cachées dans la maison ? Nous avons foi dans votre parole : vous êtes des nôtres, vous comprenez notre âme !

Leur respect pour mon costume nous débarrasse de leur présence : ils partent. Mais on comprend l’énervement qui résulte d’intermèdes de ce genre ; les enfants, eux, sont déjà habitués ! Ils ouvrent tout de suite leurs armoires à jouets, pour montrer qu’elles ne contiennent pas d’armes.