Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/840

Cette page a été validée par deux contributeurs.

PERDUE


DANS LA

RÉVOLUTION RUSSE...

(1917-1918)



I


J’ai groupé ici les choses et les gens, tels qu’ils me sont apparus pendant la Révolution, du fond d’une ambulance de Pétrograd où j’ai rempli l’office de sœur de charité depuis le mois de mai 1915. Les soldats que j’ai eu à soigner formaient l’unique lien qui me rattachait à la vie extérieure ; ils ont, sans le savoir, tissé la trame de ces récits, et quand ils n’emplissent pas la scène de leur foule enfantine et bruyante, ils agissent à l’arrière-plan : c’est à leur chevet que j’ai vécu la Révolution, et c’est leur âme qui anime ces pages.

Je n’ai pas la prétention d’écrire une histoire, non plus que de prononcer un réquisitoire ou une plaidoirie. Les faits sont trop récents : la perspective manque à l’historien ; quant aux doctrines politiques, que d’autres en versent aux esprits la brûlante liqueur ! Ce ne sont ici que des impressions, des souvenirs, des esquisses. Impressions personnelles sans doute, objectives pourtant, dans la mesure où peuvent l’être des impressions.

Si l’on estime que je n’ai su voir que bien peu de chose dans une des révolutions les plus considérables de l’histoire, qu’on se rappelle mon humble rôle : je n’ai voulu donner ici que de brèves échappées sur de grands événements. Une sœur