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gardienne du paysage grandiose. C’était la divinité que le moyen âge avait repoussée et maudite pour se donner à Dieu et qui allait reprendre la première place dans l’inquiétude humaine. Au moment où la folle jeunesse recule devant les graves soucis de l’âge mûr, Léonard, lui aussi, rencontra cette divinité. Mais, depuis deux cents ans, elle avait changé de nom et d’aspect. En grandissant, elle était devenue plus imposante et plus orgueilleuse. D’un geste royal, elle montra à son nouveau disciple la terre sombre entourée de sphères resplendissantes qui se perdaient dans l’infini en cercles d’ombre et de lumière. Puis elle dit : « Je te dévoilerai toutes les merveilles de mon empire à une condition, c’est de n’aimer que moi seule et de ne donner ton âme à personne. — Qui es-tu ? demanda Léonard. — Je suis la Science, murmura la déesse impassible. Fuis les orages et crains la Femme ! Reste maître de toi-même et tu connaîtras le secret de toute chose. Mets un sceau sur ta bouche et ensevelis la volonté dans ton cœur comme dans un tombeau. Alors te viendra le pouvoir que tu désires. » La curiosité de Léonard était insatiable. Jamais personne ne lui avait parlé avec tant d’autorité, en le sondant jusqu’aux reins. « Je sais, dit-il, que tu n’aimes pas te montrer aux hommes. Aujourd’hui tu m’es apparue dans toute ta splendeur. Quand te reverrai-je. » — Quand tu auras pénétré le mystère du monde... alors tu me posséderas tout entière... et en me possédant, tu connaîtras le bonheur suprême... Le veux-tu ? » Surpris et fasciné, Léonard fit un geste d’émotion qui ressemblait à un consentement. Sur quoi, la déesse disparut avec un sourire énigmatique où perçait une pointe d’ironie.

De ce rêve, qui frisa son œil intérieur pendant une méditation profonde, Léonard sortit avec un frisson d’orgueil et d’effroi. Jamais il ne s’était senti si fort. Il était comme investi d’un nouveau pouvoir, mais, du même coup, l’anneau d’une chaîne infrangible s’était rivé à son cœur. A quelle puissance redoutable s’était-il livré ? Il était devenu plus grand sans doute, mais, hélas ! il n’était plus libre !


II. — LA COUR DE LUDOVIC LE MORE

A ses débuts, nous venons de le voir, Léonard avait eu de brillants succès dans sa patrie. Mais la spirituelle et sceptique