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ne lui laisseront « ni trêve ni repos jusqu’à l’achèvement de la victoire. »


Ce fut une victoire, en effet. La préparation d’artillerie, qui dura trois jours, formidable pour l’époque, assura un succès initial presque complet. L’infanterie disposait de mitrailleuses en plus grand nombre, et les grenades modernes, grenades à fusil [1], grenades à main munies d’une mise à feu à temps, avaient apparu. Quant à l’emploi tactique de l’infanterie, il fut réglé selon les mêmes principes qu’à la bataille du 9 mai, avec cette différence qu’en Champagne on n’espérait guère rompre du premier coup les organisations ennemies dans toute leur profondeur : les avions nous avaient découvert une seconde ligne de positions. Nos troupes enlevèrent presque partout la première, d’un seul élan, et le désarroi fut tel chez l’adversaire que von Einem donna des ordres pour retraiter sur la Meuse. Il retira ces ordres, parce que sa seconde ligne résista. Nous étions encore novices dans l’art de maintenir, au cours d’une avance, la liaison entre l’artillerie et l’infanterie. Certaines de nos unités d’assaut s’étaient brisées contre les secondes positions ; d’autres avaient passé au travers, poussé jusqu’au terrain libre : mais là, privées de leur artillerie, elles avaient perdu toute force et la brèche s’était refermée derrière elles. De plus ces secondes positions avaient souvent été établies à contre-pente : procédé connu des longtemps, mais que les Allemands avaient raffiné ; en plusieurs lieux, ils avaient comme collé à la lisière des bois leurs engins disposés à contre-pente, mitrailleuses et réseaux de fil de fer, en sorte que nos avions n’avaient pu les repérer... Il est pénible de résumer en ces quelques formules des actions si complexes, alors qu’on a peine, même le plan directeur sous les yeux, à en démêler l’enchevêtrement. Mais c’est la loi d’un tel exposé que, pour rester intelligible, il reste schématique. A titre d’exemple, suivons du moins au jour le jour les opérations d’un seul régiment d’infanterie, le 137e .

Il a été engagé devant la Butte de Tahure du 25 au 27 septembre avec les autres régiments de la 21e division, mais a

  1. Ces grenades, lancées par l’intermédiaire d’une tige qui pénètre dans les canons et qui portent jusqu’à deux cents mètres sous un angle de 54e, furent mises en service vers mai-juin 1915.