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telle sorte le débouché de l’attaque que les troupes d’assaut purent franchir d’un bond la zone dangereuse du feu ennemi, avant le déclenchement de ce feu. — Au lieu que, dans les actions antérieures, l’objectif des troupes d’attaque, c’était l’ennemi, sans guère plus de précision, ici chaque unité avait été renseignée à l’avance sur le détail et la limite de sa mission, savait quel objectif extrême lui était assigné.

La bataille du 9 mai amena presque d’emblée la rupture, par surprise et par force, du front ennemi : succès qui, dépassant nos prévisions, ne put être exploité à fond, faute de réserves, et aussi parce que le front rompu était vraiment trop étroit. Une seconde attaque d’ensemble fut ordonnée, et la bataille se prolongea jusqu’au 9 juin. Plusieurs opérations, de plusieurs jours chacune, méthodiquement, prudemment conduites, nous livrèrent tour à tour le plateau de Lorette, Carency, Ablain-Saint-Nazaire, la sucrerie de Souciiez, Neuville-Saint-Vaast, le Labyrinthe. Partout l’Allemand avait reculé et enduré des pertes plus lourdes que nous. Et surtout, sur ces plateaux de l’Artois, le génie de la France, plus particulièrement le génie d’un grand fantassin venait d’arrêter une formule nouvelle du combat d’infanterie, le type même de la bataille en guerre de position : les batailles futures ne seront longtemps que des variantes, d’ailleurs singulièrement modifiées, de celle-là.

Puisqu’on venait d’inventer une telle méthode et de l’éprouver, il convenait d’en propager au plus tôt la connaissance et le maniement dans toutes nos armées : de là l’idée, germée au lendemain de la bataille d’Artois, de créer des écoles d’infanterie : à tour de rôle, pour quelques semaines, on retirerait des combats des unités ou des catégories d’officiers, et, dans des centres d’instruction, non loin de la ligne de feu, on leur enseignerait les nouveautés de la technique Mais comment y parvenir ? En ce temps-là, nos alliés britanniques avaient déjà levé de grandes forces, mais qui en étaient encore à s’exercer dans les camps d’outre-Manche ; il nous fallait défendre un front immense, y maintenir continûment toute notre infanterie, qui se débattait par surcroît dans une double crise, crise des cadres, crise des effectifs en hommes de troupe. Pour ce qui est des cadres, les officiers subalternes s’étaient sacrifiés en trop grandes masses aux premiers mois de la guerre,