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Vouziers ; » et von Falkenhayn : « Nous assiégeons la forteresse France. » Pour riposter, nous répétions sans fin notre comparaison de l’armée allemande à une bête encagée, qui s’épuise furieuse contre des murs d’acier. Qui était l’assiégé ? Les mots ne sont que des mots ; mais de part et d’autre, au printemps de 1915, la notion s’est précisée de la solidité du front, sinon encore de son inviolabilité. On a reconnu désormais que « si l’infanterie a une très grande force d’occupation du terrain, elle n’a par elle-même aucune puissance offensive contre des obstacles défendus par le feu et garnis de défenses accessoires. » On répète qu’ « on ne lutte pas avec des hommes contre du matériel. »

A la lumière de ces principes fut préparée par nous en Artois une nouvelle bataille, qui éclata le 9 mai 1915 sur un front plus large, aussi large (une quinzaine de kilomètres) que le permettaient nos ressources, encore si restreintes, en artillerie. L’armement du fantassin était resté le même (à part le rôle accru de la grenade). Mais la bataille d’Artois offrit une grande nouveauté : l’art qui régla la conduite du combat d’infanterie.

On avait pris soin, avec une minutie jusqu’alors inusitée, de tracer des parallèles de départ, qui permirent aux troupes d’assaut de partir face à leurs objectifs dans les meilleures conditions de rapidité et de cohésion : chaque parallèle était pourvue de gradins de franchissement qui alternaient avec des passerelles destinées aux vagues lancées des parallèles suivantes. — On avait établi ces bases de départ à la meilleure distance d’assaut, fixée en principe à 200 mètres, au moins de l’ennemi, pour favoriser le jeu de nos tirs de préparation, et à 400 mètres ou 500 au plus, — En arrière, on avait disposé des places d’armes pour y rassembler à couvert, aux points convenables, les soutiens et les réserves, et pour n’envoyer au combat que des troupes fraîches et reposées. — On avait échelonné, jusqu’aux environs des parallèles, des voies de communication, des organes de liaison, des dépôts de vivres, d’eau, de munitions, d’artifices, d’outils, des aménagements pour l’évacuation des blessés. — On avait amené, plusieurs jours à l’avance, les unités dans leur secteur d’attaque, en sorte que chacune avait eu le loisir d’étudier son terrain, d’établir ses croquis, d’assurer ses liaisons, de choisir son point de direction. — On avait réglé de