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Tel est le régime du « secteur passif, » du secteur calme, mais, en plein hiver, les Allemands à Crouy, les Français en maints lieux tentèrent de vastes actions offensives. La plus puissante est la série des attaques françaises que leur premier historien, le prince Oscar de Prusse, a groupées sous le nom de Bataille d’hiver de Champagne (15 février-18 mars 1915), et qui, menées aux abords de Perthes sur un front de sept kilomètres environ, nous firent progresser de deux ou trois kilomètres en profondeur.

Tandis que, dans la guerre de mouvement, le combat offensif consiste en une marche d’approche plus ou moins longue qui aboutit à l’assaut, il se réduisait désormais, vu la proximité de l’ennemi, à un acte unique, l’assaut. Il fallait désormais aborder l’ennemi d’un seul élan, par surprise, atteindre ses parapets avant qu’il eût eu le temps de se reconnaître et de faire usage de ses armes, donc ouvrir des brèches suffisantes dans ses réseaux de fils de fer : mission que l’on dut, à cette époque, confier pour la moindre part aux artilleurs, trop pauvrement approvisionnés, pour le reste aux sapeurs et aux fantassins eux-mêmes. Mais le feu d’infanterie de la défense ce révéla plus paissant qu’on n’avait cru, et d’autre part la médiocrité de nos moyens en artillerie limitait étroitement nos attaques, les ramenant parfois à des fronts de bataillon ou même de compagnie : l’artillerie allemande, mal contrebattue par la nôtre, pouvait concentrer tous ses feux sur ces fronts étriqués, et la situation de la troupe d’assaut se faisait pénible sur le coin de terrain conquis, mais trop bien connu du défenseur.

Les mêmes caractères marquent les âpres opérations, resserrées en des cadres plus étroits encore, que les Français menèrent à Vauquois (mars 1915) ou aux Eparges (février-avril 1915) : aux Éparges, trois actions offensives, de plusieurs jours chacune, finirent par nous porter à la crête tant convoitée.

Après chacune de ces entreprises, où certes nous progressions, les Allemands calculaient au bout de combien de siècles de pareilles progressions nous conduiraient à Berlin. C’est l’époque où von Kluck disait par dérision : « Je n’ai pas pris Paris, c’est entendu, mais les Français ne prendront jamais