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LES MERVEILLEUSES HEURES
D’ALSACE ET DE LORRAINE

II[1]
LES JOURS DE GLOIRE


LA PREMIÈRE ENTRÉE

La nuit du 16 au 17 novembre fut d’une rare beauté. Il gelait : le ciel découvert semblait presque bleu ; la lune inondait de sa lumière pâle les Vosges, y laissant de grands trous d’ombre, mais faisant scintiller comme une immense masse de diamants les sapins givrés, les clairières argentées. Quelle plénitude de joie, tandis que ma voiture escaladait la montagne et redescendait vers la plaine alsacienne !

Ce col sans doute est nôtre depuis quatre ans et plus : car c’est par Bussang que je gagne cette vallée de Saint-Amarin, dès les premiers jours de cette guerre occupée, et où, comme dans tout le Sundgau alors reconquis, j’ai vu en d’inoubliables jours régner une sorte d’âge d’or en plein âge de fer : c’était ce « paradis tricolore » que peint Hansi et où régnait alors le commandant Poulet. Mais sous le même ciel semé d’étoiles, par les chemins baignés de la même lumière pâle, à travers les sapinières argentées toutes pareilles, les escadrons, les bataillions, les batteries, en marche vers l’Alsace qui attendait, franchissaient les Vosges ; dans le silence de cette nuit magnifique,

  1. Voyez la Revue du 15 février.