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vu parfois, tandis qu’ils contaient, leurs pauvres demeures souterraines s’emplir de lumière ? Non, il ne lui aurait pas suffi d’avoir regardé, observé de toutes les puissances de son âme. Mais, comme il errait dans la « forêt obscure » des faits et des émotions, un guide l’a pris par la main et l’a dirigé. Et ce fut, parmi nos fantassins, l’un de ceux qui, tout en se battant, — trois blessures, huit citations et, à trente-six ans, la cravate de commandeur de la Légion d’honneur, — ont le plus énergiquement pensé cette guerre. Que ne permet-il qu’on le nomme ici ? Son nom parerait ces pages de noblesse. Puisse du moins celui qui les écrit ne pas trop gâcher les pensées qui lui viennent d’un tel guide ! Fuisse-t-il se tirer de leur commune entreprise à force de simplicité, de sincérité et de ferveur !


PREMIÈRE PÉRIODE
L’INFANTERIE PENDANT LA GUERRE DE MOUVEMENT
(Août-octobre 1914)

Notre infanterie est entrée en campagne munie (les trois seules armes, fusil, baïonnette, mitrailleuse, qui étaient aussi les seules armes de l’infanterie allemande, et munie en outre d’une doctrine, dont certes nous n’avions pas le monopole, mais qui semble avoir été poussée chez nous jusqu’à ses conséquences logiques les plus extrêmes, — la doctrine de l’offensive malgré tout.

Pour la résumer, ne craignons pas d’emprunter à ses détracteurs des traits grossis. En vue de la guerre, telle qu’on imaginait qu’elle se déroulerait, violente et très courte, on faisait fonds avant tout sur la bravoure française. Attaquer à outrance, et si l’on se sait tourné, attaquer quand même, et, si l’on juge la situation désespérée, attaquer encore, tel est le principe, qui s’exprimait aussi parfois sous cette forme paradoxale : Plus on est faible, plus on attaque. Dans nos manœuvres du temps de paix, un chef avait plus de chances d’être félicité s’il avait attaqué que s’il s’était défendu : il devait réunir sa troupe à couvert, pousser droit devant lui, rechercher à tout prix l’abordage pour fixer l’ennemi, tout en le manœuvrant par les ailes, et c’était, à tous les échelons, la