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Grâce aux martyrs des sombres luttes
Qui, dans la cuve des vallons,
Ont jeté leur cœur à la fonte.
Et, pour que la Colonne monte,
Meurent pendant que nous parlons !

O Colonne toute morale.
Noble pendant spirituel
De cette Autre dont la spirale
Porte un héros dans notre ciel !
« Quoi ! » dit la Colonne de bronze,
« Le souffle de Mil-huit-cent-onze
N’était donc que le précurseur
Des âmes de Dix-neuf-cent-seize ?
Seconde Colonne française,
Tu vas plus haut que moi, ma sœur !

Plus haut dans la pure atmosphère !
Car la Colonne va plus haut
Qui ne s’arrête pas pour faire
Un socle de son chapiteau !
Plus haut dans l’azur même ! Et comme
Ce n’est pas, cette fois, un Homme
Qu’aux étoiles tu veux mêler,
Ce qu’au-dessus des clameurs fauves
Tu portes, tu soutiens, tu sauves,
C’est le Ciel, — qui faillit crouler ! »


EDMOND ROSTAND.