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débordent vers Odessa ; le grain bolcheviste germe et lève en Hongrie : notre front oriental est interrompu. Notre front occidental est démobilisé. Nous sommes en posture sensiblement moins favorable, et l’Allemagne, en posture moins humiliée que lors de l’armistice, en novembre.

Néanmoins, les augures sont optimistes. M. le Président Wilson, M. Clemenceau, M. Orlando, ont écrit à M. Lloyd George, pour le décider à rester à Paris, que les peuples pourraient jouir, dans deux semaines, du bienfait de la paix. Et M. le colonel House précise que ce ne sera pas d’une paix préliminaire, mais d’une paix définitive ; et il en précise aussi la date, qui, le 20 mars, devait être « de samedi en huit. » D’ici là, on va reprendre la Société des Nations, et nous n’y voyons pas d’objection, si c’est pour que chaque associé, comme dans toute association, déclare son apport, en hommes et en argent. Mais qu’on se défende de ce que nous appellerons « l’état d’esprit parlementaire, » qui porte à se flatter que tout est fini quand on a fait quelques discours ou rédigé un amendement. La grande épreuve pour tous les textes, textes de traité ou textes de loi, est le moment où ils prennent contact avec la vie. « Paix définitive ! » affirme le colonel House. Que sa prophétie s’accomplisse ! Rappelons-lui pourtant qu’il y a l’Allemagne, qui jure qu’elle ne signera pas tout. Nous sommes sûrs qu’à la fin elle signera. Mais peut-être pas « de samedi en huit. » On a gardé trop d’Allemagne pour aller si vite. Et l’essentiel, puisqu’on a tant fait que d’atermoyer, est moins encore d’avoir la paix rapide que de l’avoir, comme on nous l’a promise, rétributive, réparatrice, protectrice.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.