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recrues sous les drapeaux et recevait leur serment ; qui réglait la répartition des contingents et l’organisation de la landwehr ; qui avait le droit d’installer des garnisons et d’établir des places fortes dans tout le territoire fédéral ; à qui appartenait la nomination de tout commandant supérieur et de tout commandant de place ; l’Empereur-roi de Prusse était réellement le « Suprême seigneur de la guerre. » Il était le grand ressort, la pièce la mieux polie et la plus reluisante, de cette énorme mécanique à tuer ; mais il n’était pas toute la mécanique, et, lui-même ôté, les débris en restent utilisables et formidables. Les deux unités se combinant, l’Empire ou la Nation, le Reich allemand, a dans l’armée allemande un instrument qu’il eût été sage de lui arracher ou sur lequel il eût été sage de lui lier les mains.

La Conférence ne l’a pas fait. Elle ne le fait pas. Pourquoi ? Parce que les Puissances alliées ou associées, sans avoir des politiques contraires, — on se plaît à s’en persuader, — n’ont pas de politique commune. Elles n’en ont pas en Allemagne. Elles n’en ont pas en Autriche. Elles n’en ont pas en Russie. Elles n’en ont nulle part. Elles n’ont pas de doctrine, et sur plus d’un point, en dépit d’efforts dont on eût pu tirer un meilleur parti, n’ont que de médiocres renseignements. Elles font, du Nord au Sud et du Sud au Nord, le tour de l’Europe, prenant les questions au petit bonheur, les lâchant à la plus petite difficulté. Dès qu’on ne tranche pas, on procrastine. Mais le lendemain, des difficultés plus grosses ont surgi. Refaisons nous-mêmes ce tour sur la carte. De la Finlande, on ne parle plus. On s’est engagé, en paroles, un peu vite, un peu légèrement, sur le sort des provinces baltiques, Esthonie, Livonie, Courlande, Lithuanie : il y avait le pour et le contre à peser. La frontière occidentale de la Pologne a été faite, défaite, refaite, redéfaite, et reste toujours à faire : le passage par Dantzig n’est toujours pas livré aux troupes du général Haller. Les Oukraniens assiègent toujours Lemberg, s’émeuvent peu des monitoires radiotélégraphiques et les Allemands se moquent dans Posen de la Commission interalliée. Le Slesvig attend son plébiscite. La question des bouches de l’Escaut, celles du Luxembourg, de la Sarre et du Rhin sont pendantes. Les relations se tendent et s’aigrissent de plus en plus entre les Italiens et les Yougo-Slaves, cependant que les ‘Tchéco-Slovaques étouffent et ne savent par où on leur donnera de l’air. Les Roumains et les Serbes se disputent le Banat, où toutes les cotes qu’on leur offre sont mal taillées. La Macédoine et la Thrace sont des écheveaux embrouillés, et l’Asie-Mineure est vacante. A l’Est, les bandes bolchevistes