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de laisser une gendarmerie pour faire sa police intérieure. Avec ce qui a été décidé, peut-on dire qu’elle est désarmée ? Si les informations qu’on nous a données sont exactes, l’État-major interallié avait compris tout autrement qu’il n’en a été décidé les conditions militaires à dicter à cet ennemi qui est le perpétuel et universel ennemi. Il proposait de lui laisser une armée recrutée selon les règles ordinaires, pour un temps de service court ; plus nombreuse peut-être, quoique bornée à 200 000 hommes, mais de qualité inférieure, une armée de simples soldats, et presque de miliciens. Le régime qui a prévalu, sur l’intervention, parait-il, de M. Lloyd George, fidèle aux idées britanniques, serait très différent : on ne laisserait à l’Allemagne que 100 000 hommes, avec un matériel restreint et catalogué d’artillerie et de mitrailleuses ; mais cette armée serait formée par voie d’engagements volontaires de douze années : ce serait une armée de sous-officiers, qui donnerait autant de futurs feldwebel que d’engagés : et l’Allemagne aurait en elle, pour l’heure où elle le voudrait, un cadre de fer tout monté, avec ses vis toutes prêtes à serrer. Outre les trois ou quatre millions de vieux soldats revenus de la guerre plus ou moins valides, elle n’aurait plus qu’à placer et ranger dans ce cadre les jeunes hommes qu’elle aurait instruits sournoisement, sous les prétextes les plus divers, en mille sociétés d’apparence inoffensive, dans ses universités elles-mêmes, et même dans ses temples. Le péril serait d’autant plus certain, d’autant plus constant, que le contrôle serait plus relâché, plus intermittent. Tout d’abord, et dans la pensée du haut commandement allié, il devait être exercé en permanence par une commission internationale ; maintenant, il ne s’agit plus que d’une surveillance quasi diplomatique, les relations reprises, par les attachés militaires de chaque Puissance. Ce qu’il faut en conclure et ce dont il faut se convaincre, c’est que, dans ces conditions, l’Allemagne n’est pas désarmée, qu’elle reste armée, qu’elle peut s’armer.

Les amateurs de rapprochements historiques auront beau représenter que la seule armée prussienne, à la fin du règne de Frédéric-Guillaume II, comprenait 230 000 hommes, et remarquer que, par rapport à elle, l’armée allemande tout entière, l’armée de l’Allemagne entière, serait moindre de plus de moitié. On a par avance répondu que l’armée échappée à la débâcle d’Iéna ne se composait que de six divisions, soit de 50 000 hommes, et que ce fut justement de la rédaction des effectifs imposée par Napoléon que sortit l’une des mesures qui servirent le plus à amener la revanche militaire de la