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RÉCEPTION DE M. BOYLESVE

On écrira dans un siècle : » Peu de temps avant 1914, l’art français était parvenu à l’état de finesse. Jamais les peintres ne poussèrent si loin la subtilité des tons et des valeurs. Jamais les musiciens ne furent plus sensibles. Jamais les écrivains ne traduisirent avec une simplicité plus soignée des sentiments plus contenus. Les délicats recherchent aujourd’hui encore ces chefs-d’œuvre discrets Le plus singulier, c’est que la plupart des écrivains qui devaient être si nuancés et si purs avaient paru, vers 1890, comme de jeunes furieux ou comme des prophètes. Ils s’appelaient alors symbolistes. Peu à peu ils se dépouillèrent entièrement. Beaucoup moururent jeunes. Chez les autres, la fougue du moins périt vite. Ils étaient presque tous tombés dans la sagesse quand, le 20 mars 1919, le plus illustre de leurs poètes, M. Henri de Régnier, reçut à l’Académie l’un des plus charmants romanciers de cette génération, M. René Boylesve. »

Cette couvée de 1890, qui a produit des aigles, des cygnes, des canards, des alouettes et d’éclatants perroquets, M. de Régnier en a parlé avec émotion. Il parait qu’au temps où tout cela sortait du nid, — avec quels cris et quels battements d’ailes ! — M. Boylesve se tenait un peu à l’écart, effarouché. Il écrivait pourtant à l’Ermitage. M. Jacques des Gâchons, qui était le secrétaire de cette Revue et qui assistait à la séance, pourrait en témoigner. Mais je signale aux curieux un autre témoin. L’Ermitage avait cette bizarre propriété de changer sans cesse de format et de couleur. C’était un grand cahier orange. Une autre année, c’était un petit in-18 sous papier gris, orné d’un chardon. L’année suivante, il se dilatait en format carré, sous une couverture glacée. Une de ces séries, l’année 1897, je crois, est ornée des portraits des collaborateurs. Ce sont des masques tracés par J. Veber, et qui épouvantaient les modèles par leur précision ironique.