Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

problèmes à propos de la fantaisie d’un poète. Ne voyons dans la pièce de M. Porché que l’antithèse de l’artificiel, du faux et du convenu avec le vrai et le naturel. Et prêtons-nous ingénument aux variations qu’il a brodées sur ce thème.

La partie comique est presque entièrement confiée à Benoît. Ce vigneron, fils de vignerons, aime le vin et la gaieté. Il en veut à ce pays gourmé, empesé, solennel et guindé, que le rire y soit inconnu. La gaieté qu’aime ce Benoît est une gaieté haute en couleur, aux joues non pas roses seulement, mais rouges, et même rubicondes. Le rire qu’il affectionne est celui qu’on appelle rabelaisien. Il court les filles, enivre les gens de maison, et distribue généreusement bourrades et horions. C’est un comique qui ne vise pas particulièrement à être fin.

J’ai goûté surtout les parties de la pièce où parle Rosette et où elle parle en vers. Un jeune prince s’étiole dans ce royaume du factice et du renfermé. Théophile, qui a vingt ans, n’a jamais respiré le parfum d’une fleur et l’odeur d’une femme. Quand il aperçoit Rosette, il tient en mains les feuillets de sa thèse de docteur, et, d’ébahissement, il les laisse tomber. A ce prince au palais dormant, Rosette va apporter la révélation de l’air libre, de la nature et de tout ce qui dans la nature est pour l’enivrement de nos sens. Ce prince qui ne sort jamais, pour qui le ciel n’est qu’un mot, — et un mot grec ! — et qui n’a vu de roses qu’en peinture, elle lui donne une rose, une rose naturelle, une rose vivante, et elle l’invite à venir voir comment poussent les roses :


Venez voir le rosier, venez voir la charmille,
Des parterres, des champs constellés d’autres fleurs,
Venez voir leur grand’messe avec leurs bacchanales.
Leurs rougeurs de désirs, leurs blancheurs virginales,
Tout ce qui va croulant de parfums, de couleurs,
Et tout ce qui du cèdre à la plus humble mousse,
S’émeut, bourgeonne, éclate et pousse.
Lorsque, victorieux des retours de l’hiver.
Et crevant sous son doigt comme une bulle d’air
L’enveloppe de brume où la terre s’ennuie.
Le tout jeune printemps pique à son chapeau clair
Le plumet vaporeux de la dernière pluie.


Mais on ne va pas, comme cela, voir les rosiers et les clématites, quand on est prince et qu’on règne sur les Visages gris. Les portes du parc sont fermées et l’ont toujours été. Les ouvrir pour le prince ! Le protocole s’y oppose : il n’y a pas de précédent ! Il faut instituer