Bon Dieu ! quel sang ! la forte sève !
Vieille race, tu te cabras !
— Un gars de la campagne enlève
La mitrailleuse entre ses bras
Comme il emportait une poule !
— Pour pouvoir, tant que son sang coule,
Crier sus aux fuyards lourdauds,
L’officiel tombé sur la face
Ordonne au caporal qui passe
De le retourner sur le dos !
La Mort souffle avec violence.
Flocons d’ouate dans le ciel,
Flocons d’ouate à l’ambulance !
Le brome est pestilentiel.
Mais de peur qu’une note fausse
N’échappe aux clairons que l’on hausse
Sous d’effroyables aquilons,
Le chef de la Clique sonore,
Pour battre la mesure encore.
Monte à l’assaut à reculons !
Pas de cœur où ne s’abolisse
Le plus antique différend.
Un prêtre en bonnet de police
Veut s’élancer vers un mourant :
Il tombe. Un rabbin le remplace,
Voit le crucifix, le ramasse.
Le porte à son frère chrétien.
Et sur ce mourant qu’il assiste
Tombe et meurt, merveilleux déiste.
Pour un Dieu qui n’est pas le sien !
Chacun, sans galonnage aux vestes,
Obscur sous un casque embué,
Veut avoir, — quels verbes modestes !
« Participé, » « Contribué. »
Allemagne, du Nord aux Alpes.
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