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en se battant, croyait arranger les choses le plus honnêtement : on ne le soupçonnerait pas d’être l’amant. Regardez-moi ! dit-il, ou à peu près. Et il songeait que la « publicité » de l’amour qu’avait inspiré Musset pouvait « porter un préjudice irréparable à l’avenir de George. « Il n’entendait rien à la publicité. George Sand le trouva sot ; Musset le traita de punaise.

Mais George Sand écrivait Métella, pour-la Revue : et c’est tout ce qu’il fallait à Buloz. Elle eut fini Métella quelques semaines avant le voyage de Venise. Et Buloz note dans ses papiers : « 1833. Métella. A. de Musset règne. Départ pour Venise le 9 ou le 10 décembre. Reçu 4 000 francs pour ce voyage. » Ce voyage ne l’enchante pas. Du reste, il n’essaya pas de retenir ces voyageurs : il est un sage, s’ils sont fous. Va-t-il, sans plus s’occuper d’eux, leur dire adieu ?... C’est qu’il a de l’amitié pour eux ! Puis, la Revue ? Et Buloz se prête à leur fantaisie, pourvu que les amoureux promettent de la copie. Les promesses de Lui ne valent rien : mais Elle, si laborieuse !... Le 4 février 1834, à Venise, Alfred est si malade que George, bouleversée, a besoin de « neuf heures » pour écrire à son cher Buloz ; elle n’en revient pas : c’est la première fois qu’elle écrit lentement. Neuf jours plus tard : « Mon ami, Alfred est sauvé... Il y a huit nuits que je ne me suis déshabillée, je dors sur un sofa et, à toutes les heures, il faut que je sois sur pied Malgré cela, je trouve encore moyen, depuis que je suis rassurée, d’écrire quelques pages dans la matinée... » Elle ne perd pas la tête : elle ramènera le poète à Paris, le plus tôt possible ; et elle ira passer trois ou quatre mois en Berry, pour y travailler « comme un diable, » afin de donner Jacques à Buloz dans le temps convenu. En attendant, voici Leone Leoni, voici André. L’abondance de son génie est admirable.

George ne ramena point Alfred à Paris : ce fut à cause de Pagello, qui la retenait à Venise. Alfred revint à Paris tout seul ; et, à Paris, il corrigeait les épreuves de George. Buloz écrivait à la romancière : « Vraiment, mon cher George, vous êtes en progrès... Le monde ne vous rend pas encore la justice que vous méritez : vous serez grande dans l’avenir. » Leone Leoni était un chef-d’œuvre qui, parmi les lecteurs de la Revue, excitait de l’enthousiasme et de la colère : Buloz n’approuvait que l’enthousiasme : « Laissez dire et marchez. L’envie et la pruderie ne doivent pas arrêter une âme comme la vôtre... Le seul frein mis à votre pensée devra l’être par vous-même : qui pourrait se permettre de guider un tel essor ? » Et c’est, à propos de Mme Sand, l’opinion de François Buloz sur tout le romantisme et la