Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/681

Cette page a été validée par deux contributeurs.
677
677
CONDAMNÉE À MORT PAR LES ALLEMANDS.

n’attachions qu’une médiocre créance aux nouvelles déprimantes qui nous arrivaient par cette voie. Nos compagnes gardaient intacte toute leur énergie, et ne craignaient pas d’affirmer aux surveillantes qu’elles accepteraient de rester dix ans en Allemagne pour obtenir une victoire glorieuse à leur pays. Ce n’étaient pas de vaines paroles, et nous étions fières de voir l’endurance de tant de malheureuses. Il y avait en effet parmi nous, des femmes bien éprouvées. J’ai connu une Belge dont le mari avait été fusillé, pour avoir, huit jours durant, noté le passage des trains ; elle-même avait douze ans de travaux forcés pour l’avoir aidé une nuit ; sa fillette de quinze ans avait deux ans de prison pour avoir porté quelques plis ; deux petits enfants de sept et neuf ans étaient restés à la maison. Il y avait des jeunes filles de quinze à vingt ans condamnées à cinq et dix ans de prison ou de travaux forcés. Au régime de la prison, il était facile de deviner en quel état sont rentrées ces enfants après un, deux, et même trois ans de captivité.

Je fus témoin de trois tentatives d’évasion. La première réussit ; trois femmes travaillant au dehors s’enfuirent au retour du travail et purent gagner la Hollande. Une deuxième fois, quatre prisonnières, encouragées par la réussite de l’essai précédent, usèrent du même moyen ; elles furent reprises successivement toutes les quatre. Enfin, quatre prisonnières tentèrent de s’évader en escaladant le mur de la prison haut de 4 mètres. Les deux premières le franchirent heureusement, la troisième se foula le pied, la quatrième se cassa la jambe, ces deux dernières furent reprises immédiatement, les deux autres un peu plus tard. La surveillance fut renforcée, nous fûmes toutes punies pour n’avoir pas dénoncé le projet d’évasion, et personne ne tenta plus de fuir.


LA RÉVOLUTION OUVRE LES PRISONS

La délivrance était plus proche que nous n’espérions, et plus soudaine que nous ne l’aurions jamais rêvée.

Depuis la reprise de Saint-Quentin, nous suivions avec passion les progrès des Alliés ; nous notions également le changement qui s’opérait dans l’esprit de nos surveillantes. Le Kaiser, qui naguère était un dieu pour elles, descendait de son piédestal ; elles en parlaient maintenant sans res-