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Belleville, Louise de Bettignies, pour ne nommer que quelques héroïnes françaises, ces deux dernières ayant été condamnées à mort en 1915 et 1916.

Notre prison cellulaire était de construction assez récente. À part les deux heures de promenade quotidienne, la vie des prisonnières s’écoulait entre les quatre murs de la cellule parfaitement close jour et nuit. Toutes semblables, ces cellules mesuraient 2 mètres de large sur 3 mètres et demi de long, 3 mètres de hauteur. Faisant face à la porte d’entrée, une fenêtre de 60 sur 100 garnie de barreaux, s’ouvrait par la moitié supérieure en vasistas, de sorte que le ciel n’était pas visible pour la détenue. Un lit de camp, une paillasse, une table et un banc, une petite armoire pour l’écuelle et les brosses, un broc et un closet constituaient tout l’ameublement ; un tuyau de radiateur chauffait la cellule quand on nous octroyait la faveur d’un peu de feu ; les bureaux étaient toujours parfaitement chauffés, mais les prisonnières pouvaient battre la semelle ou les bras pour se réchauffer. L’hiver, de novembre à février, nous avions une heure de pétrole le soir, sauf les jours de fête et les dimanches où l’on se trouvait dans l’obscurité de 4 heures du soir à 8 heures du matin. À ce régime, les soirées étaient interminables et bien déprimantes.

Quand j’arrivai à Siegburg, le règlement des détenues de droit commun était rigoureusement appliqué. Deux fois par jour, trois quarts d’heure de promenade en silence, les prisonnières marchant à la distance de 5 mètres. En mars 1916, le régime fut adouci ; deux promenades d’une heure furent autorisées ; nous eûmes la permission de nous ranger deux par deux et de causer.

La prison pouvait recevoir 250 détenues. Nous fûmes parfois 300, et quand on approchait de ce nombre, on essaimait. Delitzsch, au Sud de Berlin, reçut souvent le trop-plein de Siegburg. Le directeur qui était Prussien, nous appliquait la plus rigoureuse discipline, punissant du cachot la moindre incartade. Il trouvait de zélées auxiliaires de ses rigueurs dans les autres membres de la direction. Nos surveillantes habituées à des criminelles furent longtemps à faire la différence entre nous et nos devancières. La moindre infraction au règlement était sévèrement réprimée. Aussi bien, tout était défendu, et il eût été moins long de cataloguer les choses permises que les autres.