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prononcée le 9 octobre dernier par le Conseil de guerre contre les personnes suivantes :

Mlle  Louise Thuliez, institutrice ;
M. Louis Severin, pharmacien ;
Mlle  la comtesse Jeanne de Belleville.


NOUVEAU JUGEMENT, NOUVELLE CONDAMNATION

Le soir du même jour, 12 novembre, on nous conduisit à la Kommandantur avec M. Severin, et nous signâmes notre grâce et commutation de peine. M. Severin et la comtesse de Belleville furent informés du lieu de leur internement en Allemagne. Pour moi, je devais subir un deuxième jugement à Cambrai pour espionnage. J’avais au cours de mon voyage à Cambrai recueilli un renseignement intéressant un dépôt de munitions entre Douai et Cambrai. Donc, j’étais convaincue d’espionnage, et pour ce fait, je fus transférée à la caserne d’artillerie à Cambrai. Le soldat qui me conduisit de Bruxelles à Cambrai avait fait partie du peloton d’exécution de miss Cavell. Je lui demandai si miss Cavell avait été vraiment tuée par l’officier commandant le peloton ; il me répondit qu’elle avait été fusillée comme les autres condamnés à mort. Nous nous comprenions mal, car il savait aussi peu de français que moi d’allemand ; en outre, comme il était Allemand, je ne sais quelle créance peut être accordée à sa parole.

L’auditeur militaire de Cambrai vint me prendre à la gare et me conduisit à la caserne de cavalerie où m’attendait un cachot dans lequel je devais passer sept semaines. Ce cachot était éclairé par des carreaux malpropres et grillés surmontant une porte pleine, mais mal jointe, et donnant directement sur la cour. Pas de lit. Sur une planche un peu surélevée au-dessus de terre, occupant le tiers du cachot et agrémentée de cloportes, était jetée une paillasse infecte. Pas de draps, deux couvertures de chevaux, un broc et un bassin complétaient l’ameublement. Ni table, ni chaise. Pour boire, une malpropre gamelle, ayant servi sans doute à de nombreux soldats ivrognes, car j’en eus pour voisins dans les cachots attenants.

Je pus rester quelques jours sans boire, mais je ne le pouvais quelques semaines. Je demandai donc l’autorisation d’acheter un bol de faïence, à quoi on me répondit que le général n’y consentirait pas, craignant que je ne m’en serve pour