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CONDAMNÉE À MORT PAR LES ALLEMANDS.

toute la nuit nous préparer au grand voyage. Aucun avertissement ne venant, nous nous couchâmes vers onze heures et dormîmes un peu vers le matin…

La cloche sonnant le lever nous annonça du même coup qu’une journée de répit nous était laissée. L’aumônier vint nous donner la communion et repartit aussitôt. À la promenade du matin, au moment d’entrer dans la cage qui nous était indiquée, je demandai à l’officier de garde si miss Cavell pouvait partager notre promenade. Il hésita un instant et nous répondit : « Elle est à la Kommandantur. » Son hésitation me fut une révélation : je compris que notre héroïque et malheureuse compagne avait été fusillée.

La journée se passa dans l’attente. L’aumônier ne revint pas. Dans la soirée, on me remit une valise de linge apportée par ma sœur ; elle ne fut point autorisée à me voir, mais le soir, elle me fit dire par un gardien belge toute son intime union avec moi en cette crise douloureuse. Elle avait eu soin de faire ajouter : « Courage, confiance ! » C’était la première lueur d’espoir.

Le lendemain 13, l’aumônier vint nous apporter la communion, et, comme nous nous informions de miss Cavell, il nous confirma qu’elle avait été fusillée le 12 au matin. Nous insistions pour avoir quelques détails ; mais il nous répondit seulement qu’elle était morte avec un grand courage.

Nous attendions toujours… Le 15, rappelant à l’aumônier notre désir d’être prévenues de notre exécution la veille : « Oui, me répondit-il, dès que je saurai quelque chose, je vous avertirai. » Rien n’était donc encore décidé. La mort restait suspendue sur nos têtes…

Ce même jour, ma sœur obtint, grâce au directeur belge de la prison, M. Marin, l’autorisation de me visiter. Elle me dit alors son espoir d’une commutation de peine, les démarches actives entreprises par le marquis de Villalobar, ambassadeur d’Espagne, et par le nonce apostolique. Elle ajouta cependant que rien n’était encore obtenu, et que le marquis de Villalobar lui conseillait de ne pas quitter Bruxelles avant d’être fixée sur mon sort ; il espérait, si je devais être fusillée, lui obtenir la faveur de m’embrasser une dernière fois. Et cette attente se prolongea jusque vers le 27 octobre. À cette date, en effet, le marquis de Villalobar vint nous annoncer officieuse-