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prêts à partir. Je leur donnai rendez-vous à Bruxelles et je partis dans l’espoir de leur trouver des passeurs. Miss Cavell m’ayant fait dire de ne plus aller dans son quartier, à cause de la surveillance exercée autour de sa maison, je me rendis chez M. Baucq, architecte à Bruxelles, un de ses collaborateurs. Par lui, de nombreux Français, Anglais, Belges et Russes avaient passé la frontière. C’était le 31 juillet à midi. Comme je ne pouvais plus descendre à mon habituelle pension de famille sise rue de la Culture, près la maison où habitait miss Cavell, Mme Baucq m’offrit l’hospitalité pour la nuit suivante. L’après-midi, je visitai quelques-uns des hôtels qui abritaient nos soldats et jeunes gens et, dans l’un d’eux, je payai, vers neuf heures du soir, une facture de 56 francs portant le détail : pour hébergement de six hommes pendant quatre jours. Je m’attardai vainement à attendre, à la gare du Midi, les métallurgistes annoncés et, à dix heures et demie, j’arrivai chez M. Baucq. Je ne remarquai rien d’anormal aux environs de sa demeure. Lui et sa famille rangeaient 2 000 exemplaires de la Libre Belgique qui venaient d’arriver. Nous causâmes jusqu’à onze heures. Mme Baucq me conduisit à ma chambre, tandis que M. Baucq descendait pour faire sortir son chien. Il avait à peine ouvert sa porte que nous entendîmes des cris mêlés aux aboiements du chien ; en même temps, des policiers allemands gravissaient l’escalier.

J’avais encore mon chapeau sur la tête. Ils s’emparèrent de mon sac à main, que j’essayais vainement de dissimuler. Ils commencèrent alors à fouiller la maison, en rassemblèrent les habitants, et s’informèrent si j’étais bien la dame entrée une demi-heure plus tôt. Sur ma réponse affirmative, ils me demandèrent mon nom : j’eus la maladresse de leur donner un de mes faux noms, immédiatement démenti par ma carte d’identité, qui portait un faux lieu de naissance, mais mon vrai nom. Comme je ne pus leur donner mon adresse à Bruxelles, ils me parquèrent dans une chambre sous la garde d’une sentinelle, et continuèrent leur perquisition.

Vers une heure et demie du matin, ils firent quérir un auto, m’invitèrent à les suivre, et nous fûmes conduits, M. Baucq et moi, dans un des antres de leur police secrète, rue de la Loi.

Nous eûmes un premier interrogatoire à subir. J’étais dans