Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/657

Cette page a été validée par deux contributeurs.
653
653
CONDAMNÉE A MORT PAR LES ALLEMANDS.

Belges qui la gardaient jusqu’à la nuit suivante. Un ingénieur belge M. Herman Cappiau (qui a vaillamment fait son devoir, et s’est dépensé au service de tous les soldats restés en arrière du front) venait les chercher à la nuit, pour les hospitaliser quelques jours à Wasmes et aux environs, les habiller, leur procurer de faux passeports, et les conduire ensuite à Bruxelles où miss Cavell les recevait, les cachait encore, et préparait leur départ pour la frontière hollandaise. Plus tard, quand la circulation devint plus difficile en Belgique, et les arrêts plus dangereux, je conduisis directement les hommes à Bruxelles. Comme c’étaient alors des Français, munis de faux passeports, ils pouvaient répondre aux questions qu’on leur posait à la visite du train vicinal à Enghien. Plus tard, il fallut renoncer à user de ce train ; les hommes effectuaient à pied une partie de la route de Mons à Bruxelles.

La comtesse Jeanne de Belleville de Montignies-sur-Roc qui se dévouait activement pour le passage des hommes cachés dans le Borinage, nous fut une aide précieuse. Elle fit passer la frontière franco-belge à quelques-uns de nos protégés : elle faisait la navette entre miss Cavell et nous, afin de maintenir le contact et de nous faciliter les passages.

Les cartes d’identité et les interrogatoires auxquels elles donnaient lieu étaient un cauchemar pour ceux qui n’étaient pas en règle. Il arriva une fois que, me rendant de Mons à Bruxelles, avec une quinzaine de soldats et de jeunes gens français tous munis de fausses cartes, le train stoppa après le départ de Mons, et deux officiers allemands passèrent une visite minutieuse des passeports. J’avais heureusement réparti les hommes dans les cinq wagons constituant le train, et comme nous avions cinq faux cachets, chacun d’eux ne se trouvait qu’en trois exemplaires. Rien d’anormal ne fut remarqué chez nos hommes, mais je vis emmener une dizaine de voyageurs non en règle, et je ne respirai vraiment que lorsque le train se remit en marche. Nous n’eûmes pas la visite régulière d’Enghien ; mais aux portes de Bruxelles, nouvel arrêt : deux officiers allemands demandèrent à nouveau les papiers. Cette fois, je crus que nous étions signalés, que les Allemands avaient été prévenus. Quelques voyageurs furent encore invités à descendre pour plus amples explications ; le train se remit en marche, et nous arrivâmes enfin à Bruxelles… au