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Grandes en effet sont nos ruines, — plus grandes encore que notre ami ne pouvait l’entrevoir, dans cette France ravagée et victorieuse d’aujourd’hui. Nous ne pleurerons cependant que celles qui sont des deuils. Mais faut-il même pleurer celles-là ? La France n’est-elle pas faite avant tout de ses morts ? Il faut, pour parler de ces glorieux morts, emprunter la voix d’un d’entre eux : « Mourir ainsi n’est pas mourir, » s’écriait Augustin Cochin. Comme le commandant de Clermont-Tonnerre, à Orvillers-Sorel, entraîna ses zouaves à l’attaque et, étendu devant les lignes, commanda la victoire, il demeure encore près de nous et plus puissant que nous : son esprit vient s’ajouter au génie de la France, il fait partie désormais des maitres spirituels et des saints de la patrie, de ces saints militaires, du ciel des « bons soldats qui n’ont pas oublié la loi d’amour : » si quelque bien se fait par nos indignes mains, c’est à eux qu’en reviendra la gloire. Il demeure l’un de nos chefs, et, pour parler comme il parlait, — comme il convient de parler d’un soldat, d’un croyant, tombé un matin de victoire, en la vigile de Pâques, fête de la Résurrection, — « pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? »


LOUIS GILLET.