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leur montre qu’on peut y être autrement que par force et dans ces conditions vient leur dire : « Présent ! »

C’est ce geste d’amour que fait Clermont-Tonnerre. Son bataillon montait en ligne. Un autre que lui ne se fût pas soucié de prendre au pied levé, dans de pareilles circonstances, le commandement d’une troupe inconnue. Pour tout chef, les trois quarts de son autorité consistent à connaître son monde et à être connu de lui. Clermont-Tonnerre juge l’instant on ne peut mieux choisi pour prendre le contact. Le lieutenant-colonel Richaud le reçoit à bras ouverts. Justement la « treizième » monte cette nuit en première ligne. Voilà, l’occasion de faire connaissance. La « treizième » relève dans le plus sale coin, dans ce fameux coin de Pommérieux, où la colline s’abaisse en forme de dos de selle, et qui est le point délicat par où les Boches espèrent tourner la position. Du reste, plus de « tranchée : » une vague suite de trous d’obus ; point d’abris, pas de sacs à terre, et pour toute société les morts des relèves précédentes restés sur le terrain. Les hommes sont exténués. Tout le monde tombe de sommeil. Chacun ne songe qu’à se jeter dans son trou et à n’en plus bouger. Cependant le capitaine parcourt la ligne dans le clair-obscur nocturne, indifférent aux mitrailleuses. Il secoue ses hommes endormis, il organise le travail, il exhorte, encourage ; il prêche d’exemple. A l’aube, la tranchée est achevée comme par enchantement, étroite, profonde de deux mètres. L’attaque se déclenche à cinq heures, se répète quatre fois de suite, à cinq heures trente, à neuf heures, à midi, avec accompagnement de lance-flammes et un bombardement féroce. Tout échoua. La « treizième » avait deux blessés. Son capitaine pouvait dès lors lui demander ce qu’il voulait : il était le bon Dieu...

Je n’ai pas l’intention de faire par le menu le récit de tous ces combats. L’histoire du 4e zouaves, à dater de Verdun, c’est un peu l’histoire de la guerre. Mangin ne fait plus rien sans lui. Il s’en sert à Fleury en août, en octobre à Douaumont, en décembre à Louvemont, puis le 16 avril encore à la deuxième bataille de l’Aisne ; il le retrouvera sous sa main à Longpont à l’aube du 18 juillet, aux lisières de cette forêt de Villers-Cotterets d’où jaillit le premier bond triomphal de nos armées.

Les zouaves achèvent de gagner leur réputation d’ « as. » Entre les régiments de cette magnifique division, que commande