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« 1° Cela me procurera de grandes jouissances, vous ne vous doutez pas de ce que c’est que de commander à deux cents de ces gars-là.

« 2° C’est nécessaire au point de vue de mon influence future.

« 3° A l’heure qu’il est tous les civils aux armées, médecins, intendants, interprètes, tous les politiciens de gauche ou de droite (c’est la même chose) sont décorés, cités à l’ordre de l’armée, etc.. Sur ce point-là, ils me surpassent. Donc une seule supériorité me reste : celle du gentilhomme qui expose bravement sa vie comme l’ont fait tous les siens depuis huit siècles... Cette supériorité, je veux la garder.

« Tout ça, c’est très simple, c’est tout droit et il y a des milliers et des milliers de soldats et d’officiers qui pensent comme moi à l’heure présente. Et c’est pourquoi les Boches, malgré la supériorité de leur régime, de leur organisation, ne nous auront jamais. »

Le 4e zouaves auquel Clermont-Tonnerre va désormais appartenir jusqu’à la mort, n’était pas encore à cette date un régiment illustre : il était déjà un des beaux régiments de France. Parti d’Alger le 10 août 1914, il avait fait toute la campagne depuis Charleroi ; à la Marne, devant Monceau-lès-Provins, il a une page glorieuse dans la division Pétain ; il livre sous Maud’huy la première bataille de l’Aisne, sur ce Chemin des Dames où nous le retrouverons ; sur l’Yser, en décembre, puis au printemps de 1915, lors de l’affaire des gaz, il s’était par deux fois illustré à Steenstraete. Il venait de passer quinze mois dans les tranchées de Nieuport. Secteur pittoresque dont il s’était vite débrouillé pour en faire un secteur confortable. C’est là que Clermont-Tonnerre l’avait connu et s’y était fait des amis. Il leur avait promis d’aller les rejoindre sur la tête. Il tenait parole, et venait les retrouver à Verdun.

Le moment était bien choisi pour faire son entrée. La bataille entrait déjà dans son quatrième mois. On était le 6 juin. Depuis plus de cent jours continuait cette furie, ce tournoi gigantesque entre les deux armées, ce combat en champ clos ayant pour témoin l’univers. Sur ces collines de la Meuse, sur cette plate-forme de quarante kilomètres entre le bois d’Avocourt et le ravin de Vaux, se jouait le destin. Verdun incarnait la patrie.