Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


C’est ainsi. Les plus nobles rimes
S’usent aux lèvres des rimeurs ;
Vertu des mois, tu te périmes ;
Fierté du langage, tu meurs...
Et soudain, quand lu t’édulcores,
Un grand blessé du Bois des Caures,
Un moribond de Givenchy,
Pâle et mordant sa jugulaire »
Jette sur le vocabulaire
La pourpre qui le rafraîchit !



Pudeur qu’exige l’héroïsme !
Style hautain et détaché !
« A trouvé la mort, » euphémisme
Qui veut toujours dire : « A cherché ! »
L’expression : « Soldat dans l’âme »
Semble inscrite sur une lame !
Oh ! comme vous rédigez bien,
Témoins qui nous initiâtes
A ces histoires Spartiates
En français lacédémonien !

Que nous sont des beautés verbales
Quand nous pouvons lire aujourd’hui :
« Eut ses habits perces de balles
Et deux chevaux tués sous lui ! »
A demain la littérature !
Je préfère à toute lecture
De hauts faits dits en termes brefs ;
A tous les discours je préfère
Ces huit mots : « N’a cessé de faire
L’admiration de ses chefs ! »

Cela semble dit d’un ton ferme
Sur un glacis à la Vauban,
Tandis qu’un tambour ouvre et ferme
Les guillemets sombres du ban !
— Lisons comment on peut reprendre