la Bourse de Commerce, le Président avait rappelé que, en cette année 1798, an VI de la République une et indivisible, le drapeau de la République mulhousienne rouge et blanc avait été remis, dans un étui tricolore, à la France avec cette confiante inscription : La République de Mulhouse repose au sein de la République française. Saisissant ce drapeau rapporté de Paris, le Président le rendit à Mulhouse : « Je le confie à vos mains vaillantes. » Derechef, Mulhouse « reposait au sein de la République française. »
Ainsi tous les grands souvenirs ressuscitaient sur les pas de la France ; elle-même rapportait aux provinces recouvrées les reliques de leur passé, rendant à Metz les clés de la forte ville, à Mulhouse le drapeau de la libre cité. L’Allemagne avait étouffé l’histoire des provinces usurpées ou, chose pire, avait tenté de la dénaturer, ayant, suivant la forte expression dont avait usé l’orateur de Strasbourg, « trouvé des scribes assez serviles pour agenouiller l’Histoire devant elle. » La France ne craignait point de réveiller le passé ; elle ne venait point en conquérante qui écrase, mais en mère qui, devant ses enfants retrouvés, rouvre devant eux le livre de famille où éclate, de Metz, ramené par ses évêques à la Monarchie française, à Mulhouse librement donnée par ses grands bourgeois à la République française, l’un des plus émouvants chapitres des merveilleuses chroniques de France.
Au milieu d’immenses acclamations, le Président s’éloignait dans la nuit : Mulhouse, qui, le 17 novembre, en accueillant dans les transports que j’ai dits, l’armée de la France, avait ouvert la série des heures merveilleuses d’Alsace et de Lorraine, la fermait, ce 10 décembre, dans un dernier élan d’enthousiasme et d’amour.
Le rêve de cinq semaines finit. — Rêve ? non : réalités pleines d’une beauté, d’une grandeur incomparables. La Lorraine et l’Alsace sont revenues à la France ; la grande espérance dont mon enfance a été bercée, dont ma jeunesse s’est flattée et que tant d’années, venant m’asseoir aux foyers alsaciens et lorrains, j’ai, dans une douloureuse impatience, nourrie et entretenue, je l’ai vue sous mes yeux se réaliser en ces heures de miracle dont