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qu’on les fait ; et qu’elles remontent de bas en haut telles qu’on les a fait descendre de haut en bas. Elles arrivent de tous les pays et de tous les partis de l’empire, et, pour reprendre les expressions du docteur Preuss, elles sont naturellement unitaires, unanimes, uniformes. Les mêmes aspirations s’élèvent par delà et par-dessus la frontière, suscitées et dirigées par des procédés pareils : tout l’art est de faire paraître spontané un enthousiasme provoqué. Mais ici, hors de l’ancienne Allemagne, « la pensée populaire » n’est pas tout à fait unanime. La pensée populaire ne peut s’empêcher de penser aux charges qui résulteraient de la revendication et de la réalisation de l’unité. Se déclarer Allemand jusqu’au bout, c’est se déclarer Allemand jusqu’à la bourse. D’où des explications, des réserves, des marchandages : « Le docteur Bauer a dit catégoriquement que l’Autriche n’entendait pas prendre part aux charges qui doivent être imposées à l’Allemagne en conséquence de la guerre sous-marine et des divers dommages causés dans le Nord de la France, en Belgique, etc.. L’Autriche ne doit supporter financièrement que sa part des charges globales imposées par le traité de paix aux peuples de l’ancienne Autriche. C’est ce point de vue que le docteur Bauer soutiendra à Weimar avec énergie. Il en résulte que l’Autriche allemande ne peut paraître à la Conférence que comme État indépendant et non à la suite de l’Allemagne. » Mais, quoi que le docteur Bauer ait dit catégoriquement, quoi qu’il doive encore y ajouter avec énergie, il est clair que ce qui nous intéresse, c’est de savoir non pas si l’Autriche entrera indépendante à la Conférence, mais si elle en sortira indépendante. Qu’elle paie moins, pourvu qu’elle ne se lie pas ! N’en doutons point du reste, elle se liera : elle brûle de s’asservir. Dès maintenant, on escompte à Vienne les trente-sept mandats que l’Autriche allemande exercera dans « la grande Assemblée nationale » de Weimar ; et hier, le président de la petite Assemblée constituante autrichienne en renouvelait le vœu solennel. A moins que nous n’y mettions le holà, puisque aussi bien, dans les objections du docteur Bauer, il y a une indication pour notre politique, quand les Alliés, enfin, en auront une. Or, ce n’est pas une politique seulement qu’il leur faut avoir ; il leur en faut, et de toute urgence, au moins deux ; il leur faut une politique allemande, et il leur faut une politique russe. Il est très beau de régler pour un éternel avenir les destinées universelles ; mais tout de suite, mais tout près, mais aujourd’hui ?

L’esprit plein de cet avenir meilleur, M. le Président Wilson nous revient des États Unis. Le frémissement des douleurs et des espérances