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journal, sur le modèle des Izvestia russes, Nachrichtenblatt des Zentralrats, la Feuille d’information du Conseil central, a été, par ordonnance de police, substitué aux quatre journaux de toute nuance, les Münchner Neueste Nachrichten, la Münchner Zeitung, la Mûnchen-Augsburger Abendzeitung, le Bayerischer Kurier, dont il inscrit, d’autorité, les titres sur sa manchette, prenant le service de leurs abonnés et se faisant vendre par leurs crieurs. C’est ce qui s’appelle comprendre la liberté de la presse ! Et toutes les libellés sont logées à la même enseigne, dans le même repaire bolcheviste. Inutile de tenter de faire parvenir par les voies ordinaires une ligne imprimée qui n’ait pas le visa. On en est réduit à mobiliser des avions, qui, du ciel, font pleuvoir sur les toits et sur les trottoirs les opinions qu’on ne se résigne pas à laisser étouffer, les encouragements à la résistance et les promesses de secours qu’on veut porter à la population terrorisée. Encore la tyrannie bolcheviste n’en est-elle pas à battre son plein. Elle se pique de faire mieux et de rompre les dernières digues, qui sont très faibles et déjà rongées.

La vague ne s’arrête pas aux limites de la Bavière. Le bolchevisme a fait, depuis un mois, dans l’Allemagne tout entière, des progrès visibles, sous l’apparence d’ordre qu’avait eu l’air de restaurer le gouvernement de Weimar. On a pu redemander si, en s’étendant le long de la zone neutre, du Nord au Sud, et de la Hollande au grand-duché de Bade, par Essen, la Ruhr, Dusseldorff, Mannheim, il n’allait pas venir au contact de nos lignes ; mais le Rhin a fait barrière, et elles sont restées impénétrables. Plus loin, une « République des conseils » a été ou a failli être instituée à Brunswick. Grèves en Thuringe et en Saxe ; menaces ou amorces de grève à Spandau, à Berlin, à Weimar même, dans les deux capitales fédérales, et, simultanément, dans trente-quatre villes de l’Allemagne centrale Grève vraiment générale à Leipzig, où les bourgeois, ayant décidé de riposter à la grève des ouvriers par une contre-grève de toutes les professions, les médecins, les employés et les fonctionnaires de l’État et de la ville, jusqu’aux journalistes eux-mêmes, excepté ceux de la socialiste Leipziger Volkszeitung, ont cessé le travail. Les malades, même en danger de mort, n’ont pas reçu de soins ; la distribution des cartes d’alimentation a été complètement suspendue. Leipzig a mis en action la fable des Membres et l’Estomac. Ces coups de tête démontons enragés, insolites chez des bourgeois, ont violemment irrité les masses ouvrières ; on a couru à la prison et lâché les criminels : c’est le trait classique des révolutions. A