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que cette annonce parvenue à la direction avait été. aussitôt par elle transmise aux sauveteurs les plus voisins.

L’histoire de la Salvage Section est pleine de beaux traits héroïques qu’il serait trop long de raconter ici et où ce mélange de flegme patient et de froide énergie qui caractérise la bravoure anglaise se manifeste magnifiquement.

Telle est l’histoire de ce navire qui, renfloué une première fois, fut coulé une seconde fois par un sous-marin, tandis que les sauveteurs le remorquaient au port, puis une troisième après que ceux-ci, ayant de nouveau mis en action leurs pompes, l’avaient encore arraché aux flots, jusqu’à ce qu’enfin, dédaigneux des projectiles allemands, ils réussissent à le remorquer triomphalement, mais dans quel état ! au port le plus voisin.

L’idée qu’il peut être nécessaire de couler un navire pour le sauver peut paraître a priori bien étrange. C’est pourtant ce qui est arrivé quelquefois aux marins de la Salvage Section. Une fois notamment, un bateau réservoir chargé de pétrole avait eu une collision nocturne avec un autre navire. L’incendie aussitôt envahit le pétrolier et l’autre navire se mit également à brûler. Les sauveteurs qui à toute vapeur survinrent au petit jour se convainquirent rapidement qu’il n’y avait qu’un seul espoir de sauver le pétrolier, c’était d’y éteindre l’incendie, et qu’un seul moyen de le faire : couler le navire. Une torpille lancée du navire sauveteur eut vite fait l’affaire, et le navire fut ensuite renfloué par les procédés habituels et on en sauva 8 000 tonnes de pétrole. Quant au second navire qu’on avait pris à la remorque, comme l’incendie n’y cessait pas, quelque moyen qu’on employât, et qu’on le remorquait, on devine à travers quels dangers au milieu d’un champ de mines, on se décida à le couler également au moyen de quelques obus. Peu de temps après, également renfloué, il reprenait son service. ‘

L’esprit d’initiative des officiers et des marins de la Salvage Section a les occasions parfois les plus imprévues de se manifester. Une des circonstances les plus pittoresques où cette initiative s’est utilement montrée est celle où, un bateau chargé de grain et qui venait d’être torpillé étant en train de couler, l’officier, ne voulant pas laisser perdre la précieuse cargaison alimentaire que le contact de la mer eût aussitôt avariée, décida d’employer d’une nouvelle manière les pompes de son bateau. Au moyen des paillasses de son équipage cousues bout à bout et préalablement vidées, il fit un long tuyau d’aspiration ; puis, changeant la marche des pompes et de pompes