Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’épave du « Maine » coulé comme on sait dans la rade de la Havane et qui fut une des causes de la guerre hispano-américaine. Cette méthode, — qui n’est nécessairement applicable que sur des fends peu bas, — consiste à construire tout autour du navire et dans l’eau, un véritable mur, une cloison formant enceinte étanche, un batardeau comme disent les gens du métier ; cette enceinte étant suffisamment étanche et solide, on la vide de l’eau qu’elle contient, en l’asséchant ; l’épave étant mise à découvert dans cette sorte de bassin de radoub improvisé, on peut l’examiner et la réparer à loisir… C’est ainsi qu’on constata que la cause déterminante de la guerre hispano-américaine était une erreur manifeste. C’est que l’humanité n’avait pas encore le bonheur de posséder cette panacée universelle, qui elle aussi vient d’Amérique, et qui s’appelle la Société des Nations.

Enfin, une dernière catégorie de procédés sont employés pour le relevage des navires coulés. Ce sont eux surtout qui, entre les mains de nos amis anglais, ont donné les brillants résultats dont je parlerai tout à l’heure. Ils consistent à utiliser comme allèges pour soulever le navire submergé, non plus des chalands ou des caissons immergés ou non, non plus des docks de relevage (tous procédés qui ne sont applicables pratiquement qu’à des épaves de faibles tonnages) mais le navire coulé lui-même. Pour cela il faut que celui-ci soit, au fond même de la mer, vidé de l’eau qui le remplit.

Comme exemple d’un des modes d’application de cette méthode il faut citer le cas du vapeur allemand Walkure qui, pris par nous, fut, lors de l’attaque de Tahiti par le Scharnhorst et le Gneisenau coulé par 24 mètres de fond. Un entrepreneur de San Francisco à qui l’épave avait été vendue, fit réparer par des plongeurs les voies d’eau avec des moyens de fortune (toiles, planches, ciment à prise rapide, etc.), il fit construire sur le navire et autour des orifices du pont supérieur des batardeaux qui venaient dépasser le niveau de l’eau. On vida alors, par ces batardeaux, la coque au moyen de pompes d’épuisement et l’épave vint tranquillement flotter à la surface. Elle avait coûté à l’entrepreneur, réparation comprise, 1 425 000 francs ; le navire à son premier voyage apporta 1 800 000 francs et fut ensuite vendu 4 125 000 francs. On voit que ce genre d’entreprises peut être très fructueux. (J’emprunte ces derniers détails à une intéressante étude du capitaine de vaisseau Poidlouë.)

Mais les pompes d’épuisement pour vider l’épave, préalablement réparée, ne peuvent être utilisées que si on construit un batardeau qui émerge, ce qui n’est possible qu’avec des épaves coulées à faible