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s’anime. C’est alors un ensemble sans pareil : le poêle convie le Seigneur Amour avenir avec lui s’en repaître les yeux.


Amour et moi pleins d’émerveillement,
nous l’admirons quand Elle parle et rit,
car Elle ne ressemble à nulle autre qu’à Elle.


Il arrive que le poème compose, en un même dessin, tous les mouvements expressifs de Madame, au milieu des Dames, le pas, le regard suave, les paroles,


et le geste, plaisant, modeste et lent.


Quel parfum de vie ! Il remplit une foule de poèmes. Il se renouvelle sans cesse. Comment est-il possible que nous le respirions encore ? C’est que tout contribue à le conserver. Il y a la langue et l’allure des poèmes. Il y a l’invention variée des images. C’est un mélange continuel de métaphores et de symboles. L’antiquité, la mythologie, la poésie du Moyen Age, les philosophes, les Pères de l’Eglise y ont leur place : la nature a la sienne, et la plus grande. Il y a, par-dessus tout ce sens de vérité, cet admirable réalisme toscan d’où est né, en ces jours-là, le plus bel art du monde.

De là cette simplicité familière, qui alterne avec la plus artificieuse rhétorique. Il faut saluer ici un des plus grands poètes de la nature. C’est par un ensemble rare d’artifices et de naïvetés qu’il nous a restitué, vivante et respirante, une dame que la tombe a prise depuis cinq, cents ans. Il me semble que je la connais, avec les charmes de son corps, les délicates qualités de son âme, — quelques défauts peut-être, — en cherchant bien.


VII

Eloge spirituel, éloge corporel, idées morales, sentimentalités, minuties courtoises, tout revient toujours à la représentation vivante. Je ne saurais trop le répéter : l’œil toscan est un œil de peintre. Le poète que je m’habitue le plus à rapprocher du nôtre, c’est son ami le merveilleux peintre de Sienne, Simone di Martino, qu’il aimait nommer « mon Simon. »

Quand un peintre toscan de ce siècle s’engageait par traité à faire quelque ouvrage, il jurait n’employer que de bonnes couleurs loyales, sans fraude. Aussi, après six siècles, ses couleurs