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bandes d’Allemands, gente ritrosa, race revêche, race rebelle à tout bien. Elles sont descendues furieuses et rompant tout sur leur passage, des sombres contrées hyperboréennes, c’est un déluge, ramassé et gonflé dans des déserts étranges, pour inonder les douces campagnes de l’Italie.

L’Italien ne les reconnaît plus, ces belles campagnes, ces lieux chéris, patrie de son enfance, tombe de son père et de sa mère. Il s’écrie :


Ceci n’est-il pas mon nid,
où j’ai été si doucement nourri ?
n’est-ce pas la patrie en qui je me confie,
la mère bonne et pieuse
qui recouvre l’un et l’autre de mes parents ?


Mais le poète ne veut pas que l’on se consume en gémissements. Il sent, au fond des cœurs, se réveiller l’antique gloire romaine, le souvenir triomphal des victoires passées, et bouillonner le « gentil sang latin. »

Il prophétise la bataille, la victoire, la paix. Car c’est la vertu qui va prendre les armes contre la fureur. Et l’antique valeur


dans les cœurs italiens n’est pas encore morte :


On lisait ces vers-là en Italie, comme nous lisions Corneille en France. Ce furent pour les âmes des réconforts que ces appels vivants, qui sortent de la tombe des grands ancêtres. Mais il y avait, à cette heure-là même, d’autres attraits qui nous ramenaient vers la lecture des poètes, et même des plus tendres et mélancoliques. La chose, pour singulière qu’elle paraisse, est bien réelle. Eh quoi ! lire les poètes, et se plaire à leur douce musique, au milieu même des horreurs de la guerre ? La douleur et l’angoisse n’interdisent pas la beauté, qui reste malgré tout la beauté, et qui est un remède de l’âme. Il faut lire les poètes : la preuve, c’est qu’on les lisait dans l’angoisse. On avait besoin d’eux. Il n’y a jamais eu pareille « demande » de poètes.


II

Donc nous lirons des vers italiens de Pétrarque, et je ne pense pas que rien s’y oppose. Mais je ne veux pas les discuter. Je m’interdis ici toute érudition pétrarquesque ; j’y ai appliqué